[Chronique] Et Macé remet Sade le politique en jeu, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] Et Macé remet Sade le politique en jeu, par Jean-Paul Gavard-Perret

octobre 19, 2019
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[Chronique] Et Macé remet Sade le politique en jeu, par Jean-Paul Gavard-Perret

Gérard Macé, Et je vous offre le néant, Gallimard, coll. « Blanche », octobre 2019, 144 pages, 19 €, ISBN : 978-2-07-285447-7.

Il faut toujours revenir à Sade pour comprendre ce que la littérature engage. Gérard Macé le sait et le fait. Il montre que sous le Divin Marquis fascinant, révoltant, se cache le fomenteur d’une oeuvre opaque, inépuisable. L’auteur a répandu des flots de vérités pas bonnes à dire envers et contre tout et tous.  Mais de Sade n’est retenu que le névrotique, le fornicateur, le condamné. S’est perdu en route le révolté, l’athée, le moralisateur (et oui !) qui laisse derrière lui (ou devant) une œuvre énorme.

Trop souvent nous avons oublié ou perdu le discours politique, voire ethnographique sans mesure de cette hydre de mots. Macé le rappelle. Comme il signale que le marquis a encore beaucoup à dire. A mesure qu’elle se détache de son époque, l’oeuvre s’autonomise et permet de prendre tout son sens. Car derrière le pouvoir que certains de ses héros font peser sur d’autres, l’œuvre elle-même est la plus fantastique machine désirante contre les pouvoirs : ceux de son temps, ceux de toujours..

Si l’écriture sadienne a donné lieu à de nombreuses études (on notera parmi les plus connues celles de Norbert Sclippa, Annie Lebrun, Michel Delon, Philippe Sollers ou encore Roland Barthes bien sûr), il reste beaucoup de zone d’ombres que Macé contribue à éclaircir. Dans Sade, Fourier, Loyola Barthes avait d’ailleurs soulevé un lièvre capital que l’essayiste reprend. Il souligne la théâtralisation que le Marquis a opéré dans l’écriture afin d’illimiter le langage. Macé reprend la balle au bond et montre comment chez Sade « ça » parle comme nulle part ailleurs.

D’autant que c’est au moment même de la période révolutionnaire – aboutissement d’un siècle de démythificationn et de démystification – que le Marquis écrit dans cet esprit qui animait la société mais qui chez lui dépasse la critique habituelle des écrivains « classiques » des Lumières. Le roman considéré jusque là comme frivole et secondaire prend, dans sa version theâtralisée, une manière de désobéir à une organisation rigide et étroite.

Et si la liberté d’écriture de l’auteur ne provient pas directement d’une volonté de renier les codes littéraires, elle constitue un choix délibéré pour transmettre des idées subversives. En optant pour une écriture laissant la part belle au théâtral, Sade cherche non pas une marge mais à donner une compréhension plus profonde des rapports qui « unissent » et régentent les êtres entre eux face aux abîmes des maîtres et le néant qui se cache derrière. Il nous l’a remis sous le nez. A nous d’en faire bon usage.

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rédaction

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