Fanny Garin, Des disparitions avec vent et lampe, Isabelle Sauvage(29), « présent (im)parfait », printemps 2019, 96 pages, 15 €, ISBN : 978-2-490385-01-0.
À bris de vers cassants comme cristal de roc où la roche friable ajoure de page en page sa portée de blanc, des disparitions émaillant le propos, hoquettent les virgules intempestives (« ivre-moi, que je te sente /// ne voulais pas le, dire », « poitrail blanc entre les eaux lèvres les vents / tombent les // jambes elles ////battre le liquide trouble sans ton corps je ne, coule »). Péroraison longtemps tenue en haleine, un poème du mot à mot teste les mots à blanc, « crime » y compris, jusqu’à ce qu’au bal du réel celui que l’on sentait monter, l’arpégé mot « amour », le mot âme ourle le suspens.
D’insolente syntaxe compressive perfusionnelle (« sauf une lampe qui est vraie dit-oncela // et sa couleur jaune qui s’étale et que quelqu’un éteint »), personnages principaux le vent (« avec le vent il pleut toujours cela efface ») et la lampe de peu de lampée, plutôt de simple récurrence – dans ce premier (de petit format) triptyque plutôt que recueil, Fanny Garin, par ailleurs comédienne et dramaturge, « trace » la maîtrise d’une écriture concentrant des effets de théâtre qui la gauchissent et l’arriment aux planches d’un lever de rideau. À cahots de chaos, des échanges de répliques se profilent dans l’innommé, le surligné. Pièce en trois actes dont le blanc serait le personnage principal et les mots secondaires, seconds d’aire et de « corps ». Pièce qui dépèce, rapièce et réinvente où il vente sans répit la poésie. Malgré tous les appels à témoin (« entendez-vous », « qui préfères-tu oui toi », « non // si », « mais que voulez-vous / voir oui vous », « voyez-vous » ahanant en syncope, elle claudique de pause en ligne mélodique à passer le témoin.
Réponses, « non » de préférence, à un questionnaire qui, suivant l’exemple de Gertrude Stein, se passe de points d’interrogation. De « pulsion » en « toc », la langue de la psychologie folle du logis. Sur l’orbe de l’ivresse un « bateau coule » jouant à « bateau coule et puis non /// les gerbes d’eau lorsque l’on place sa bouche / sur les trous ». Rarement l’espace paginal exploité avec tant de liberté, un poème s’ajoure à la verticale exponentielle (« lèvres // les, / lè / vres tant à coup qui // ralentissent ralentissent // ne, di //s ////paraître que disiez-vous ») de l’été, de l’étang, de l’étendue plate comme « vent dehors ». Enchantant en déchant le blanc, « s’en va le vent // loger le fou sort au ventre d’autres » et se recharger à mitraille.