Jean-Luc Parant, Soleil double. Le lisible, l’illisible, dessins de Titi, Quentin et Jean-Luc Parant, Fata Morgana, coll. « Scalps », 128 pages, juin 2020 (vient tout juste de paraître en librairie), 21 €, ISBN : 978-2-37792-064-8.
Et si après tout Jean-Luc Parant n’en finissait jamais boule après boule, tête après texte et yeux dans les yeux à écrire au fil du temps une cantate de formation aux déformations limpides en autobiographie indirecte ?
Pour preuve son « Soleil double », avec ses deux versants « Le lisible, l’illisible », comme s’il y avait dans l’astre de lumière de fait les deux versants de la lune.
Ce qui tient de la « mythobiographie » et d’un manuel pratique d’utilisation ou de traité de conduite forcée entre deux attractions (la terrestre et la céleste) est formé de deux pans de 9514 mots chacun. Le premier est celui du vrai « je », l’autre son image inversée et en écran où ce je est donc un autre.
Afin de jointoyer ces deux temps, le dernier paragraphe du premier volume devient le premier paragraphe du second : « Cette unique phrase répétée est le sommet d’une montagne gravie puis redescendue d’un volume à l’autre », écrit le hâbleur boulimique.
L’image du visible est donc en fracture entre le lisible et ce qui ne l’est pas. C’est comme les deux faces de la lune – boule parmi les boules. Ils font le partage entre le jour et la nuit, la terre et le ciel. Parfois, le corps étant plus fort que l’esprit, « l’attraction maintient nos pieds au sol », ce qui nous évite bien des lévitations mystiques et autres farces des maîtres du clair-obscur.
Mais écrire un tel livre devient tout autant la tentative de donner la parole à un fondement intime autant qu’insaisissable, là où la « sainteté » de l’écriture possède un caractère charnel. Il ne s’agit plus de dissimuler du désir en un chemin de l’avant vers l’arrière au nom de la charge d’un passé inassimilable.
Parant ne cesse d’y décoder son corps et sa tête pour décortiquer d’une part la matière et la pensée du monde (qui lui-même ne cesse d’éclater en s’éboulant) et d’autre part la pensée et le corps de l’auteur lui-même en sa mécanique mentale et charnelle.
Emanant de la pénombre de l’inconscient, le texte crée une paradoxale opération d’amour qui porte jusqu’à la transparence l’expression d’une mémoire à travers le bouquet d’ombres consumées. L’écriture de fait réalise un projet anthropologique. L’esprit sert d’appel désespéré au corps.
L’inverse est vrai aussi. C’est donc une manière de tempérer les convulsions seulement métaphysiques. Ici l’approximation de l’unité associe l’être au cosmos en une mélancolie chargée d’émotions archaïques, ferment d’une douleur et d’une rêverie inépuisables. Et dans le genre, c’est plus que bien.