[lire la présentation]
Tout pourrait commencer, par cette phrase extraite du texte : « Les formes en général n’ont de sens pas seulement comme des résultats ou des empreintes de l’action humaine mais plutôt parce qu’elles expriment des processus ». Par cette phrase semble se condenser ce texte de JM. Baillieu.Chaque fragment du texte apparaît comme un micro-moment de notations. Comme des fragments de réel épars, sans autre causalité entre eux que les titres qui les réunissent [Couleurs passés des vieux vêtements d’été, Méthode ? …]. Texte qui est dans un processus, celui de l’existence, du regard, qui dépose dans les mots ce qu’il voit : ce qu’il désigne.
En effet, il s’agit bien dans le travail de JM. Baillieu de désignation. Dans Gu Wei Jin Yong, publié aux éditions Le bleu du ciel, le fragment numéroté 205. exprime parfaitement cela : « Désigner, rien que désigner », et corrélativement de nombreux fragments se tiennent dans cette désignation, l’homme regardant et annotant ce qu’il voit, de sa position, de sous son toit : « Avant tout un grand toit. L’absence de mur préserve la présence de la nature. » JM. Baillieu est un observateur, quelqu’un qui regarde, qui découpe dans la matière observée. Mais non pas selon une angularité statique, mais selon une dynamique, un processus :
Thé/thé vert, à l’initiative de. Répondre, retrait des économies, midi.
– Combien ?
Retour, bonne affaire, causer/téléphoner
argent liquide / espèces, avoir une idée en
tête, addition, emprunter, mère.
Les micro-traces qu’il décrit, les infimes indices qui se juxtaposent sans ordre apparent, sont de petites dynamiques, décrivant aussi bien des scènes extérieures, que des jugements intérieurs, sorte de petits aphorismes éparpillés : » — Qu’est-ce qui dans l’éveil, doit devenir connexe ou annexe ? A priori l’activité professionnelle, qui permet de boire, manger, dormir; à accomplir donc avec un détachement pondéré ». Et tel qu’il l’écrit dans Gu WeiJ in Yong : « – J’écris, j’impose un ordre(des choses) à qui me lira ».
C’est bien ici la poésie que propose JM. Baillieu de petites observations,qui semblent être ordonnées comme sur un carnet, des traits d’attention qui surgissent, et qui scrutent la manière dont se réalise les choses, dont s’agencent les gestes. Il témoigne en un certain sens de cela en parlant de l « Esquisses d’arbre : des milliers, mais dessinés sans s’y attarder moins d’une minute en moyenne, juste saisir ». Le monde qui se crée au fil de ses notes est comme lacunaire, fait d’esquisses, de traces infimes, d’empreintes peu appuyées.
Et tel semblerait être interrogativement la méthode qu’il énonce en dernière page de son texte : » (une sorte de modèle où enfin se reconnaître) non un fruit saisonnier vu sous cet angle à l’instant même, même sous cet angle à l’instant même ». Car ce fruit en cet instant, en cette saisie éphémère est déjà habitée par les milliers d’autres esquisses de perception qui tendent se réalité, qui la volumisent. En ce sens ce qui est vu, l’est du fait de la possibilité de la conscience de s’ouvrir à cela et non pas plutôt à autre chose.