[Chronique] Jean Rolin, Peleliu (réédition poche), par Christophe Stolowicki

[Chronique] Jean Rolin, Peleliu (réédition poche), par Christophe Stolowicki

février 13, 2019
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[Chronique] Jean Rolin, Peleliu (réédition poche), par Christophe Stolowicki

Jean Rolin, Peleliu (P.O.L, 2016), rééd. La Table Ronde, « La Petite Vermillon », 2019, 192 pages, 7,30 €, ISBN : 978-2-7103-8987-3.

Discrètement jubilatoire ou clins d’yeux appuyés, un récit à la manière de – de la pléiade d’auteurs jaillit Blaise Cendrars en son premier roman, L’Or, brassant l’écume de poèmes, encore que près d’un siècle en ait raboté les traits saillants. Littérature efficace, d’aventures menées à conclusion d’échos.

Tout en « autodissolution dans l’alcool et dans le Pacifique ». En éclaboussures à la manière de Jackson Pollock.

Sur l’archipel des Palaos un espion américain des années vingt exclu pour ivrognerie du corps des Marines, sautant d’île en île et confiant à tout indigène ou Japonais qui veut l’entendre sa qualité d’espion, sur ses brisées un pharmacien en chef hagard censé enquêter sur sa mort suspecte, nous projettent au travers d’une cascade de relations d’auteurs combattants ou documentés sur celle (l’île) de Peleliu qu’en un carnage mirifique de Japs les Américains investirent à la Pyrrhus et qu’il est recommandé de randonner à vélo avec l’auteur.

Suit un long entremets de tourisme que coupe, à hauteur de Robbe-Grillet, « un plan perpendiculaire à celui qu’occupent réellement les objets ainsi reflétés. »

Nautique, la guerre : une « flotte de débarquement […] cinq cuirassés, trois porte-avions lourds et cinq porte-avions d’escorte, enveloppés d’une nuée de croiseurs, de destroyers et de torpilleurs […] peut-être le sillon zigzaguant que tracent à la surface de la mer tous ces navires est-il pailleté de luminescences, encore qu’aucun récit de la traversée ne mentionne un tel phénomène » – la guerre, alternée de plans paisibles comme dans tout bon film d’action, alternance que sublime dans d’autres registres Le Satyricon de Fellini.

Mais oui, l’auteur y est allé. Folie ici a pris de « nostalgie » le nom, Freud à la lettre et le voyage, de rêve en rêve des écrivains sources à leur débarquement dans le fracas des shrapnells, les teintes douces mères d’un retour du refoulé. Maintenant que nous y sommes, auteur, jouons à qui perd gagne – son statut dans l’île d’un livre souple qu’illustre en couverture un tank rouillé sur fond d’éden, signé Loustal.

Reporter d’après-guerre, un métier. Regard acéré, connaissance encyclopédique des végétaux exotiques reconnus de loin (ou par Wikipédia ?), méticulosité, sens de l’orientation. Il ressemble (le métier) à celui d’écrivain par la solitude. Mais quel soulagement de revenir à la bataille, à son pittoresque pic de tuerie qu’allègent les visites nourricières de l’auteur à une fratrie de cinq chiots quasi abandonnés dans un repli du semblant de jungle. « Aux débris repérés dans des grottes (« grenades, bouilloires, étuis de munitions, gourdes »), « on dirait que la fin des combats remonte à la semaine précédente. »

Il faut relever le courage physique d’une telle prospection déambulatoire solitaire, un « holster virtuel » à la ceinture, ou le pari de la dissuasion. D’un baroudeur ès lettres.

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rédaction

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