[Chronique] L'amour pas la guerre (à propos de Gilbert Bourson, Phases), par Jean-Paul Gavard-Perret

[Chronique] L’amour pas la guerre (à propos de Gilbert Bourson, Phases), par Jean-Paul Gavard-Perret

mars 21, 2020
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[Chronique] L’amour pas la guerre (à propos de Gilbert Bourson, Phases), par Jean-Paul Gavard-Perret

Gilbert Bourson, Phases, postface de Philippe Thireau, Tinbad éditions, coll. « Tinbad – Chant », 2020, 80 pages, 13 €, ISBN : 979-10-96415-28-1. [Commander] [© Jacques Cauda, Portrait de Gilbert Bourson]

« Ce texte fulgurant, viol de tous les instants connus,
vus, passés, à venir est construit dans le lit du Scamandre,
dieu-fleuve, métaphore, ce peut-il, de la couche d’Hélène de Troie
qu’Achille aurait saillie ? » (Philippe Thireau, p. 76).

Le temps dresse entre nous et des oeuvres passées une barrière et une manière de les couler dans un bronze qui n’est pas forcément le bon. Et, en pensant au travail sur la langue de Guyotat, Bourson a relu l’épopée de Homère qui, écrit-il, « implique le sexe dans le bordel conflictuel de l’histoire ».

Tout se joue en effet « autour du cul d’Hélène ». Mais la charge érotique du récit a été éradiquée par l’idéologie implicite des temps pour laquelle le sexe est toujours un danger à l’ordre social. Et ce – paradoxalement –  au profit de conflits politiques de l’Histoire. Il s’agit de cacher non seulement les seins qu’on ne saurait voir mais d’assécher les réservoirs de pulsions auxquelles la politique et la guerre tiennent lieu de cache-sexe.

En redonnant sa relecture à L’Iliade, Gilbert Bourson permet de voir enfin le « visage » qui se cache dans l’oeuvre. La prose poétique supérieure de l’auteur iconoclaste crée le passage de la guerre à l’amour, là où les transports guerriers font place aux amoureux.

Il existera sans doute des pisse-froids pour trouver là une interpréation excessive d’un texte fondateur. Mais avec Bourson le désir souffle ses naseaux et mâche le cuir des corps et des âmes dans une traversée des temps. Car certes, il y a Homère, existent ici tout autant Lucrèce, Monteverdi pour ouvrir le bouclier de bouches qui ne sont en rien amères et ce en une seule et immense phrase.

Elle commence avant le début du livre et ne s’arrête pas à son terme. Elle charrie, venue de l’Empyrée ou d’ailleurs, des goulées de souffles et de sueurs au delà des ultimes retenues. L’air alors s’avale entièrement dans la propension d’éros. Et en ce sens c’est parfait.

© Merci à Jacques CAUDA de nous avoir autorisé à reproduire ce magnifique Portrait de Gilbert Bourson.

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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