Pierre Tal Coat, L’Immobilité battante, photographies de Michel Dieuzaide, entretien avec Jean-Pascal Léger, L’Atelier contemporain, Strasbourg, juin 2017, 120 pages, 20 €, ISBN : 979-10-92444-56-8. [© Pierre Tal Coat, Massacres]
Pierre Tal Coat est celui qui a créé une connexion entre l’art et le paysage. L’artiste le rappelle ici à Jean-Pascal Léger qui le défendit dès les années 80. Le livre devient celui des riches heures de l’artiste où il explique la propre fable (au sens de fabuleux) d’une création paradoxale. L’artiste (et poète) n’a cessé de capter des seuils, d’ouvrir le dessin. Il est chez lui moins une cosa mentale que l’essence du monde afin que son invisible ne reste pas un inconnu. Ce qui apparemment tient de l’abstraction est un moyen de donner au réel une autre vision optique. La littéralité lentement s’abandonne dans l’aimantation proposée au sein de lignes qui ne sont en rien des fuites mais des présences actives. Tout surit dans l’abrupt. Jaillissent des présences dans le blanc avec la pensée en acte qui ne connaît jamais de sevrage.
L’œuvre sort de la pétrification en des dessins apparemment – mais apparemment seulement – griffonnés. Tal Coat est devenu un parfait bouilleur de cru et un brouilleur de cartes. A chaque époque de son œuvre très diversifiée, l’artiste a cherché un pur jaillissement là « où la spontanéité implique la durée. La marche est une suite de chutes » mais aussi de remontées. Le tout fomenté dans la solitude et le silence nécessaires à la méditation et à la création. Et dans ce livre le regard et l’esprit de l’artiste ne se font pas voyeurs de son œuvre mais pénètrent l’intimité de sa profondeur.
Apparemment, ce travail est délivré de l’ivresse dionysiaque mais tout autant de la dictée instinctive. Le « minimalisme » de Tal Coat vient de loin. Et ici sa vision exige qu’il dise tout ce que lui donne la vision et tout ce qu’il trouve dans la vision. Elle est suspendue en une pratique artistique reconduite à l’intérieur d’un même travail de recouvrement et de découverte. Le déploiement des formes n’est pas là pour donner de l’illusion. Il s’agit de créer une durée et une profondeur à l’épure mise à jour dans la science des variations et des oppositions mineures et des greffes successives. Elles créent une contradiction fondamentale et féconde au sein d’une symphonie plastique portée au plus haut degré d’exigence.
Que le blanc revienne au blanc ou que le compact trouve une absence de limites importe peu. Que les couleurs écrasées s’éteignent et se retirent permettent une dynamique capable de créer pour l’artiste une gravitation concrète d’où émerge un nouvel alphabet plastique. Tout se démembre, se réconcilie, vaque en diverses brèches en un état naissant surgi du trait le plus simple et son flux dans l’intensité innommable de son contour qui devient centre.
Inspiration YSL de Tal Coat confirme ce qui est dit en mots justes et séducteurs .