Les propositions d’activité de Xavier Person se constituent comme une mise en relation de propositions dans le cadre dynamique de la construction de la langue. Avec raison Guillaume Fayard dans sa chronique sur sitaudis se réfère à Jérôme Mauche. En effet comme dans Fenêtre Portes et façades par exemple, nous découvrons une série de 80 blocs textes successifs qui ne sont aucunement des micro-narrations, mais qui sont des agglomérats de relations où prévaut l’accidentalité de liaisons linguistiques plutôt que la linéarité descriptive ou bien le fil narratif. Tel qu’il l’énonce d’emblée, Chaque situation joue “l’accident expérimental”.
Débris de remarques
La quatrième de couverture met en évidence des activités. Toute à l’infinitif. Or, force est de constater, que derrière le formalisme de ces activités ainsi énoncées, listées, le livre de Xavier Person ne se présente pas du tout comme une forme de liste. Alors que par exemple les routines de Nicolas Tardy jouaient sur la liste, ici nullement. De même nous sommes loin de la composition, remarquable il faut encore le dire, de Jérôme Mauche dans Superadobe, édité chez le même éditeur, le bleu du ciel, composition qui se montrait comme une succession de gestes d’auto-équilibre existentiel de protagonistes potentiels. Les activités, énoncées en 4ème de couverture sont éparpillées dans l’ensemble du texte. Ces activités ne sont pas le sujet essentiel du texte, et en ce sens celui-ci ne tourne pas autour de la question programmatique de l’action et de ses modalités. L’activité qui est ici pensée est surtout celle de la langue et de ses possibles : télescopages, segmentations, biffurcations, rectifications, dérives, etc…
Ce qui est ainsi visé c’est une sorte de défossilisation de la communication langagière. Sortir des règles établies pour retrouver les traces de l’activité de la langue, à savoir de la pensée rencontrant le réel. Est établie une forme de critique, indirecte de la standardisation de la communication et des hommes :
“Plus trace de la moindre trace ? Désertification progressive, lieux de stockage sur routes, pôle logistique conséquent” (p.78)
Au lieu de cet évidemment de l’expérience du monde et du réel par la recherche du plan cadastré de la langue communicationnelle empêchant toute liaison aux choses et aux êtres, ces propositions d’activité ouvrent sur de micro-indices, de brefs détails qui sont comme autant d’expériences de pensée/langage à effectuer afin de s’ouvrir autrement au réel. “Renouer le dialogue à partir de pour ainsi dire rien du tout, chercher à dire autre chose, non sans lyrisme vous place au coeur des choses” (p.63)
Écumes
Cette poésie est celle de l’écume au sens où a pu déterminé dans Sphères III ce concept Peter Sloterdijk. Tel que ce dernier la détermine, loin de n’être que “tromperie” “une humeur”, un “gaz paludéen”, elle est déterminée par “l’aphrologie – du grec aphros, l’écume -” comme “la théorie des systèmes affectés d’une cofragilité”. Système où ce qui compte n’est pas la captation, la solidité, mais l’éphémère d’un équilibre produit par le mouvement, le moment où dans la rencontre se compose un précipité fugace.
Chaque phrase est de cette nature : fragile, suspendue dans sa présence, posée comme sa propre finalité, rencontre la langue avec une pensée. Donc sur un plan d’immance, selon une ligne de fuite. C’est ce qu’explique Xavier Person lorsqu’il écrit : “La récurrence des chutes le plus souvent nous ravit, s’éclaircissent des pensées rendues à elles-mêmes, qui pouvant s’effacer posent la question de comment continuer si celle-ci, cette pensée, était la dernière, comment avancer sans à un moment s’y résoudre, à cette avancée vers son dénouement” (p.79).
Chaque phrase est comme une écume, les phrases ne sont que parce qu’elles sont dans une dynamique, une avancée, elles ne sont pas selon l’immobilité du sens, mais selon le flux : “Exercice d’équilibre, voire d’équilibrisme, l’attente de l’arrêt complet est pour le véhicule le prétexte à continuer d’avancer” (p.28).
La logique de composition, comme le rappelle François Bon dans son article Xavier Person : personne n’en sortira vivant, semble bien confirmer cette désignation de l’écume. Ce livre est composé du flux de ce que Xavier Person note, « bouts de phrase recopiés en réunion… », de bouts de phrase qui lors des réunions se déversent et forment ce précipité d’écriture.
Ainsi, le lecteur qui cherche la cohérence d’une avancée linéaire ou dialectique ne peut être que perdu dans cette suite non pas tant de bloc-textes — car ici la forme apparaît comme un artifice sans importance il me semble — mais de phrases qui chacune en elle-même trouve son propre équilibre précaire par rapport à l’ensemble, sa propre cohérence, sans supposer les liaisons nécessaires, quant à sa signifiance, aux autres phrases. Par ces débris de remarques, insiste conséquemment une critique de l’unité de la représentation, en faveur d’une pensée du multiple. “S’édulcore la réalité à partir de certains détails qui la constituent” (p.41).
Le lecteur ne doit pas chercher à se repérer mais accepter une forme de dérive. On retrouve ici un thème nietzschéen, s’il en est un : la question du sol et de l’assolement, la question de la mer. “Savoir nager seul le saut dans le torrent nous l’apprend” écrit Nietzsche dans une de ses notes, et c’est bien ce à quoi semble inviter Xavier Person, mettant en perspective le caractère symptomatique de la recherche de sol : “On s’inquiète au fond de surnager, on tente de vivre sur des rivages, là où le sol s’incline pour former le bord des choses” (p.63) or, il s’agit “pour nager” de retrouver “la mer libre” (p.85). Ce thème de la mer est récurrent tout au long du livre, et, pourrait-on, il s’agit bien de cela à quoi Xavier Person nous invite : se laisser aller à la dérive de nos pensées à travers l’existence, se mettre en situation de rêve (autre thème qui traverse l’ensemble du livre).
En définitive, si d’emblée ces propositions d’activité peuvent désarçonner par une certaine forme d’hermétisme voire de maniérisme, elles manifestent cependant une grande cohérence et révèlent tout au long de leur lecture maintes surprises et plaisirs pour l’esprit qui s’abandonne à l’aventure de l’éphémère du sens.
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