Voici le dernier extrait d’un essai original à paraître. [Lire le troisième].
Chaque mouvement, chaque saut, chaque enjambée produit ses figures, ses trajectoires, ses fuites et ces pertes, ces inclusions, ces dispersions, ces matières, ces issus quasi inorganiques, ces mouvements ou postures monstrueuses dès lors que la respiration adopte un rythme différent –
Couleur est cette hésitation de lumière à faire concurrence avec d’autres mondes –
Couleur fait chuter de la divergence dans le sens commun, cette entropie vers le bas – au-delà de la simple collaboration, ou de l’analogie sensible –
Couleur n’est pas de ce retour d’un passé, ou d’une projection d’un futur, ni même d’un présent pur ou même d’un temps pur, mais ce temps d’induration presque soumis à l’effort qui imprègne toutes les sensations –
Couleur ne dédouble pas – elle est-ce qui fend la perspective –
Couleur est déjà affectée d’une séparation – d’un écart irréductible –
Couleur ouvre non seulement au passé et à l’avenir, mais nous ouvre à la figure muable et imperceptible de la durée, points par points et en tous points, à faire tourner le motif et les bords , cheminements non centrifuges, texture qu’elle déforme, au passage d’identités fixes, à travailler la densité en surface, la surface en densité, par delà l’évidence ou la tautologie, de l’avant et de l’après, de l’avant et de l’arrière, du biais et du transverse, figure qu’elle écartèle rappelant des noms d’affect, d’ aires ou régions, des noms aux périmètres a-fonctionnels, de nouvelles cérébralités chargées de perceptions inséparables.
Couleur est une histoire de sédimentation qui ne maîtrise déjà plus les conditions de son inscription, trouble presque de la matière autonome –
Couleur dépayse le paysage mental –
Couleur est-ce reste, ce lacunaire, de la communauté d’énonciation – Ce qui la fend dans l’émission de sa vectorialité –
Couleur est de ce rapport du vertige traumatique – un battement que tu ne mesures qu’au hasard du cheminement , ou des dérivations –
Couleur fait sa force du vide – tellement vide qu’elle se risque à s’ouvrir : sur le vide – comme une élongation –
Masse non comme essence, mais comme vibration, bruissement : ce qui advient –
Couleur : de gagner une autre vitesse –
Ce bruit discordant de l’ordre de la dévoration, mastication et manducation, dans l’articulation même phonatoire de la sensation – un acte de dérangement – de distorsion de l’horloge même de la réception – cette plasticité dans la pression des forces qui excèdent –
Cette poussée de points remarquables, ou de signes, à nous faire travailler à l’intégration difficile d’une différence ou d’un écart – fatigue et excède la sensation, en la portant à un état proches des limites –
Ce temps d’intégration dans le bruit intermittent de la répétition qui pousse la sensation au-delà d’elle-même –
Couleur ne peut s’accommoder d’une répétition qui s’affaiblirait – d’une déplétion itérative – elle reste cette pensée qui ne se régle-dérègle que dans la matérialité – dérive locale dans la différenciation analogique –
Capture des intensités – phénomène de l’objet et aventure du style perceptif – où le motif bouge, tremble, dans l’appariement des signes, œuvrant dans l’apparente platitude des surfaces, masse de l’indistinct des flux – sentir – ou les agripper comme des nœuds – des intensités – criblées –
Il s’agit pour Couleur de saisir les forces de la vie sensible en les restituant sous le mode de la capture ( muable) des intensités – de temps multiple sous la jurisprudence presque nécessairement arbitraire des durées, schèmes pratiques à se démarquer, ou se détracer de l’instance purement biographique ( ou de ces fictions et écrans), du jeu de la mémoire , des inflexions et des accentuations à son tempo même –
Couleur est dans ces effets de reprises, de boucles, dans le rayonnement de la surface – cadence qui est la matérialité même des glissements – des précipitations – de perturbation- temporalité discrète qui accentue ou altère l’intensité relative des durées – Combinaison plus ou moins volontaire du temps multiple associée dans l’analogique de la durée. Ce déphasage temporel dans son ordonnancement qui ouvre au réel. De ce qu’il suggère, en advenir ou en vérité – Sa stimulation – inquiète – cette durée qui ouvre le présent dans l’insaisissable du maintenant – par un appareillage complexe et arbitraire de synchronie et de dyschronie – vécues comme autant de procédures irréductibles – éprouver cette histoire d’ouverture à la durée – cette imprévisible perspective –
N’est pas de la rémanence mais de la fulgurance, dans l’interpolation de l’expérience d’espace –
Couleur est-ce jeu de vitesse variable de puissance de connexion qu’elle ne peut totalement absorbée -( sans exclure la fiction, ou la critique) – En ce sens, elle accroît sa puissance par cette non absorption , comme résistance à l’enveloppement du travail infini d’une instance rapportée à elle-même –
Couleur est cette peau qui drape la mécanique des surfaces. Tissus végétal et muscle. Diaphragme des combinaisons plus ou moins liquides –
Couleur est cette forme de caresse très technique. D’où cette idée de ne pas se retenir. Confrontée à Elle, l’ablation est déjà dans ce qui nous en retient –
Couleur est-ce souffle saccadé, puissance inconsciente de sa puissance, fragmentation de ces désirs dans les marges de la densité. Qu’elle reconfigure, redistribue. Réassocie. Réaccorde. Métamorphose. Ce temps de la suspension retournée –
Grande anguleuse : ce muscle du lisse, du strié, du composite et du détachement. Dépouille déjà toute géographie de l’effleurement : Chair d’une restitution : acide –
© Franck Eon et Pierre Clerk.