La nouvelle série de Daniel Cabanis va encore plus loin dans l’humour grinçant et socialement inacceptable – dans l’incongru. [Lire Psychodiagnostic / 2]
Psychodiagnostic 3
Ça me fait penser plus ou moins à un crabe. Mais je ne suis pas dupe : cette bestiole peut bien être un trompe-l’œil. Le crabe est traître et il n’est pas toujours hélas le crustacé qu’on croit. Dans cette famille (disons-le), ils sont tous antipathiques : la langouste et l’écrevisse sont sournoises, la crevette salope, le homard imbu de lui-même, et faux cul le bernard-l’ermite ; que des sales bêtes ! Elles ressentent la douleur, paraît-il, si on les ébouillante ; encore heureux. Donc ceci n’est pas un crabe, évidemment, mais plutôt un dispositif fonctionnant comme piège, une machinerie conçue à des fins sadiques. Il n’y paraît pas de prime abord ; l’ensemble, avec sa housse simili chair humaine, a l’air ouvert, accueillant, et l’on va s’y frotter volontiers, poussé par cette curiosité en quoi parfois se déguise l’inavouable quête d’un plaisir subreptice. Et puis le piège se referme ; la proie est prise : l’idiot s’est fait pincé. Le premier contact a été bon pourtant, et peut-être même suave, mais maintenant ça commence à faire mal. Piqûres et pincements sont douloureux. On n’a plus envie de rire. Que se passe-t-il ? Il était question a priori d’un plaisant petit jeu sadomaso, et voilà que ça tourne torture. Hé quoi, on veut me faire parler ! Faudrait que j’avoue quelque crime ? Je dirai rien ! Pas un mot. Et si j’ai brocardé ici les crustacés, je mourrais plutôt que de m’en dédire.