Avant même que nous ne lancions le Dossier qui lui est consacré, Claude Favre nous livre l’un de ses agencements répétitifs dont elle a le secret pour accompagner la photo grattée de Thomas Déjeammes. [Lire/voir Dreamdrum 3]
Ceux qui parlent en langue étrangère
Ceux qui mangent les arêtes
Chauffent l’eau se laver
Ceux qui connaissent l’heure de la tombée du jour
Ceux qui mangent la nécessité
Qui en parlent souriant
Ceux dont les noms sont des tombeaux
Dont les noms ne sont dits par personne
Par personne parfois
Ceux dont les noms sont des noms de loups
Renards pâles
Fils du vent
Ceux qui ont un nom pour les papiers
Un nom pour le vent
Ceux qui dansent
Ceux qui n’ont pas volé pas tué
Ceux qu’on violente
Qui ne parlent pas des morts
Car les morts sont là on ne dit pas les noms
Les morts sont là
Ceux qui aiment les toutes petites choses
Comme chacun les entend
La vie est là
Ceux qui ont peur des pentes
Qui n’ont le temps de rien
Ceux qui mangent sans questions
Ouvrent le réfrigérateur mangent
Ceux qui ont des titres des diplômes
Plastrons blancs ceux qui parlent
Discourent discours blanc
Ceux qui ont des phrases conques
Ceux qui séduisent se caressent
Caresse nombrils et nombreux
Ceux qui folie ordinaire
Ceux qui ont des papiers dorment
Ceux qui disent on dit
Ceux qui excluent
Ceux qui disent déchet humain
Disent pas responsables prêts à tout
Ceux qui ont peur du vent
Qui coupent la langue
Peur du vent des phrases folles
Ont peur du vent ceux qui font peur
Ceux qui parlent en langue libre
Qui parlent en langue et libres
Ne laissent pas de traces
Ne sont pas visibles silencieux
Ceux qui sont ceux
Que personne ne peut suivre
Ceux qui ignorent l’ouest et la droite
Que l’on perd plus qu’ils ne se perdent
La source est au sud-est de mon frère
N’ont pas d’ombre
Pas d’ombre mais ils sont presque
Et d’ailleurs
Leurs traces imprononçables
Ceux qui déroutent les ombres
Ceux qui n’ont pas d’histoire
Ceux libres de guerre
Ceux qui ont des chants contre la terreur
Qu’on poursuit qui poursuivent
Sans chemin ombres légères
Qui marchent sans étoiles marchent
Marchent ils sont ceux qui marchent
Sous le sol marchent les absents
Ceux qui ferment les yeux
Ombres légères
Qui dansent dansent
Dansent ceux qu’on ne voit pas
Ceux qui ont un nom pour les papiers
Perdus pour les papiers seul un nom pour le vent
Ceux qui ne sont pas ceux qui disent
Ceux qui se taisent et sans peur
Ceux qui ne séduisent pas
N’ont pas les phrases
Ceux qui n’ont plus n’ont pas peur ni
Du silence et des ombres et des chants
N’ont rien
Que la langue dedans qui savent ne pas
Qui savent ne savent pas toujours étrangers
Ne leur donnons pas de nom
Ceux qui font danser les langues
Les langues dans le vent
Le vent soufflant leurs traces
Danse le vent
iu ! c’est bon c’est très bon c’est un rap