La langue est soumise à une force. Une contrainte. Le silence fait partie du langage. Le corps est habité d’un silence, d’une nuit, d’une série de nuits pour une alliance. Un champ de voix couplé à des formes de désincarnation liées à des structures énonciatives (apostrophe, appel, promesse, adresse, invocation). Un se Taire fixateur, initiateur, fondateur d’une langue que l’on laisse aux morts. Qui ne parle qu’aux morts. On met l’index dans la bouche du mort. On en invoque pour ne pas dire convoque les frères, présents absents à venir, Une énergie exténuante tourne insémine informe l’enveloppe de ces textes. Parler ne peut se faire sans fracas, sans désastres. Mais il faudra bien parler ou franchir, en suturant ces plis, ces trous, les creux et les failles de ce monde. Face au silence, la structuration d’un Nous qui amplifie. Y. Torlini n’endosse jamais le Je, qu’il pluralise, ou ré-instancie en des formes plurales (Nous…), des dispositifs ou scénographies qui recontextualisent le flux continu (renouvelé) d’une Parole entre finir et a(d)venir, à entendre cette parole, si elle peut choisir de ne plus parler, de se placer au bord, en déséquilibre, dans une visée du « toujours plus que la fin ». Les relations complexes qui dissonent et consonnent des situations, de négations qui ouvrent à la confrontation d’un monde, de nuit, de langue dans les langues …
Présupposé existentiel (mémoire discursive du texte) et de montée en tension par des cycles de vitalités, des sensations peuvent échapper par calcification ou ossification. Avec ce risque d’un savoir de la langue qui se perd ou mue, la présence d’éléments de concrétion (pierres, glaise…), alternance du Tu et du Vous, une écriture de type oraculaire où les deux isotopies du savoir et de la langue se mêlent. Non pas une initiatique en termes de parcours, mais un devenir, « nous deviendrons moins que nous deviendrons l’infime et bien moins… », à donner partition à ce mouvement du devenir moins que : la chose, moins que et entre les choses, vers une cessation : et la promesse de l’accompagnement. Avec des formes oraculaires : vous saurez enfin vous verrez que notre silence n’a pas de limites. Au silence adjoint la solitude, et de ne pas laisser l’angoisse nous traverser, nous ne saurions plus rien que l’angoisse, l’idée du désastre et de cette force volonté, dans un mouvement qui ne ravaude pas le désastre mais lui donne sa puissance d’apparition dans la possibilité d’un éveil, ou de champ de tension et de bifurcation, une autre typologie de l’écoute, du regard (regarder vous tout au bord), le temps continuera lorsque nous cesserons enfin, notre langue morte rendue aux morts et à leur langue de morts enfin. Physique du corps et de la langue, sur le sens de ce qui lie les corps, corps entre les corps, frères dans toute la profondeur temporelle, des spectres et ses éléments naturels, les choses entres les choses, en un espace commun, formes accomplies ou désaccomplies de la relation, espace préexistant tout en étant aussi à recréer. /Sébastien Ecorce/
cela. ce qui fait cela, à force. à bout de forces. parler plus parler à force et tout au bout cela. de cela. plus parler la langue. nous ne parlons plus la langue. cela, et tout cela. à bout de forces nous ne savons plus, la langue ce qu’elle est. à force, à bout de forces nos voix aux morts. nous leurs laissons nos voix, ne savons plus, à force. ce qui se brise et dans la fragilité dans, le morcellement, se souvient. nous ne parlons plus. à force à bout de forces cette langue des morts. leur laissons la leur laissons. ne savons plus souvenir pas souvenir non.
plus seulement. plus parler rien cela nous ne parlons plus, à force à bout de forces tout au bout la langue des pierres, des restes, et ce qui reste. entassements, angoisses et jours, nous laissons. à force, à bout de forces, nous ne parlerons plus. nous tairons tout ce qui parle en nous tout ce qui parle. tout ce qui parle à bout de forces. nous ne saignerons plus la langue affreuse et. l’espace en nous qui s’est réduit, restreint, chaque geste seulement à bout de forces. de ces grands élancements du corps nous ne savons rien. de ces grands élancements, pierres, murs, ce qui ne parle plus. ces grands élancements.
plus rien. nous ne savons plus morts ni langues ni rien. rien et ce qui tient rien. à ne plus parler toute force à bout de forces. à force à bout de forces la langue et tant d’autres que nous ne parlerons plus. nous ne savons plus. nous ne voulons plus. parle, parle la langue ne parle pas, qui ne parle pas. vides nous ne savons pas habiter ce vide. nous ne savons pas. rien et moins que rien.
tout parle. tout ce qui parle et nous et dans les creux. tout cela. nous tairons tout cela qui parle mort et creux. langue, langue des stèles, langue écrasante langue. nous tairons tout cela nous ne saurons plus que taire cela. plus terre que cela et bien moins que sol, creux et mort, creux lent et terrible mort. à force, à bout de forces. tout cesser dans l’absolu, tout ce qui cessera lorsque nous. de ces grands élancements du corps, de ces nuits indicibles, de ces os terribles et obstinés. nous ne saurons rien. nous tairons tout ce rien. nous n’en saurons rien.
tout continue à force à bout de forces nous continuons, le gâchis et ce qui ne veut plus, ce qui ne peut plus. tout continue dans ce que nous cessons à force. rien ça, rien que ça bien moins. tout ce qui se taira enfin. tout ça, tout cela. tout et ce qui parle n’a jamais fait que parler. nos langues impossibles. tout ça, tout cela qui aspire au silence et au vide. nous ne savons pas. nous ne saurons pas. quelque chose se tassera enfin quelque chose se tassera, jusqu’au moindre puis à l’infime. quelque chose perdra toute consistance. nous ne serons plus là, à force à bout de forces nous ne parlerons plus. cette langue des pierres et des hommes qui retournent aux pierres en fin. tout cela qui parle aspire au silence. nous leur laisserons nos voix. tout ce qui parle.
nous ne verrons plus, ne regarderons plus. nous et l’aveugle absolu en silence. nous aveugles, absolument aveugles en silence, dans ce désert qui se tasse maintenant. nous ne saurons plus voir les pierres, entendre ceux qui se sont tus, qui ont cessé, à force, à bout de forces. rien. rien cela, rien que cela maintenant. ces grands élancements. cet espoir d’un désastre à venir. vide au fond de nous vides seulement plus voir, plus regarder. nous ne cesserons pas. nous ne cesserons pas de dire cela. nous ne cesserons pas, à force, à bout de forces et tout au bout, en silence.
tout ce qui tait cela, tout ce rien qui tait et continue de taire ne plus comprendre à ne plus comprendre, la part d’ombres laissée, entre les pierres et ce que disent les pierres tout parle tout se tait. cela et tout cela bien mort dans nos langues, bien mort et la part d’ombres. ce que nous leur laissons à force, à bout de forces et dans les remous de la nuit, l’angoisse des matins. nous ne parlerons plus, il faudra bien ne plus parler il faudra bien que quelqu’un ne parle plus. les corps, les élancements y veilleront. tout ce qui bruisse et craque et froisse, tout ce qui chuchote et appelle et franchit, tout ce qui siffle et chante et murmure, cela et tout cela. nous leur laisserons. nous y veillerons. tout ce que nous veillerons.