Après la présentation du Dossier et avant la chronique, voici le second extrait que Mathias Richard a bien voulu nous donner – et nous l’en remercions. Tout aussi singulier que le module scriptosique : le film mutantiste.
Machine MR-3 : Film mutantiste
Application du syntexte à la vidéo : comprimages, film d’information accélérée, entre la vidéo et le diaporama, vortex filmique protéiforme : prendre pour exemple les images stroboscopiques du clip de Den Harrow “Future brain” [1:46-2:03 ; 2:54-3:10] (1984, clip visionnaire quant à ce qui sera plus tard l’afflux d’informations Web : http://youtu.be/LiABmaH6LLE) ; le film mutantiste est un magma concentré de données, de signes, sur le monde et sur l’humain (plusieurs options : a/ défilement d’images rapide mais pas trop, restant au-dessus du subliminal ; b/ film d’images subliminales, si rapides qu’on ne “voit” rien, sinon une forme mouvante), un magma à vocation éducative.
Les mutantistes réalisent des films en 24 langues différentes par seconde. L’idéal est d’atteindre une mécanique, une rythmique, un visage-monde, un condensé vue-son (mais le son n’est pas obligatoire), un réseau de signes qui explose et transforme la boule du cerveau en œil de mouche à facettes, en goutte à facettes aux yeux de mouche et tacts d’oursin.
Les images défilant à toute vitesse constituent un archétype de vision en état de conscience modifiée, comme en témoignent certaines visions sous transe, ou certaines visions-EMI (expérience de mort imminente), ou certains états oniriques rares. Jérémy Narby décrit ainsi une vision sous ayahuasca (il évoque une “télévision de la forêt”, avec une dimension de connaissance) :
“Je me mis à vomir des couleurs et quittai mon corps pour voler au-dessus de la Terre. Je vis des images défiler à une vitesse ahurissante, par exemple les nervures d’une main humaine alternant avec les nervures d’une feuille végétale. Les visions défilaient sans relâche, je ne pouvais les retenir toutes.”
Ou encore : “Je voyais des images kaléidoscopiques devant mes yeux. Des images inondaient ma tête. Dans mes notes, je les décris comme “inhabituelles ou effrayantes : un agouti qui montre ses dents et dont la bouche est ensanglantée, des serpents multicolores, très brillants et scintillants, un policier qui me fait des problèmes, mon père qui me regarde d’un air soucieux”… Je vole dans les airs, des centaines de mètres au-dessus de la terre, et, regardant en bas, je vois une planète toute blanche. Je ne vois plus que des images confuses, dont certaines à contenu érotique, comme un femme avec vingt seins ! Je vois une feuille verte, avec ses nervures, puis une main humaine, avec les siennes, et ainsi de suite sans relâche. C’est impossible de se souvenir de tout.”
Ces visions indiquent une direction à prendre pour le film mutantiste : un stroboscopisme encyclopédique (un stroboscopisme éclairé) et un magma subliminal à vocation éducative.