Olivier Bosson, Le 17 à 17H, DVD, éditions Vidéoformes, [durée 20 mn]. Avec Les Spécimens : Jean-Jacques Dellus, Jean-Marc Lugné, Florence Masure, Emmanuelle Pireyre, Marie Rousset.// Prix : 15 € // [site de l’éditeur] + [site de l’auteur]
[4ème de couverture]
Le 17 à 17h regroupe 20 morceaux de vidéo qui durent de 30 secondes à 5 minutes et auxquels on accède par un menu. Les morceaux sont conçus de manière à pouvoir être vus aussi bien seuls que comme parties entrant en résonance avec les autres : l’ensemble est pensé comme un album de vidéo.
Outre le DVD, l’album est diffusé en live, en projections, et sous la forme d’une installation interactive.
Olivier Bosson est un artiste contemporain qui utilise de nombreux médias, avec une prédilection pour la vidéo à laquelle il associe des créations textuelles et sonores, et parfois la performance. De par son parcours et sa capacité à mixer les médias, il développe un style très personnel et original que Vidéoformes a remarqué et choisi de soutenir. La parution d’un premier « DVD / album de vidéo » Compétent dans sa branche, à la fin de son cursus au Fresnoy (2002-2004) lui a valu l’obtention d’une bourse du Fiacre (bourse d’aide à la création DRAC Nord-Pas-de-Calais) en 2005, ainsi que de nombreuses présentations en galerie, centres d’art et un prix (Vidéoformes 2005). Ce deuxième « DVD / album de vidéo » marque une nouvelle étape dans sa production artistique à laquelle Vidéoformes souhaite s’associer.
VIDEOFORMES est un observatoire des courants émergents des nouvelles technologies numériques dans le champ de l’art contemporain et des nouvelles technologies numériques. Depuis 1986, VIDEOFORMES produit une manifestation internationale présentant différentes formes de création vidéo et multimédia (projections, installations, performances et créations sur internet) et développe des activités de production et de diffusion artistiques et culturelles.
[Présentation]
Olivier Bosson développe maintenant depuis quelques années un travail de vidéo/vidéopoésie qui tranche avec la majorité des créations vidéopoétiques, qui tiennent surtout à des interprétations poétiques du plan vidéo, liées au texte, voire seulement à la juxtaposition du texte. En effet, si la vidéo est de plus en plus courante, en liaison avec la poésie, deux domaines sont encore peu explorées malgré tout. Le premier est celui de véritables créations faites pour la lecture ou la performance, comme Jacques Donguy, Joachim Montessuis, Jörg Piringer ou hp process le font et d’autre part la création d’objet vidéo/DVD qui ne sont pas des associations texte/image, mais des compositions poétiques qui s’écrivent dans la liaison entre vidéo et texte. Si en effet le numérique est souvent revendiqué, de même que la vidéo, reste, comme le dit Jean-Michel Espitallier dans Caisse à outils, que toute création liée à ces supports ne sont pas poésie nmérique ou vidéopoésie, au sens où ne sont pas expérimentées encore les hybridations, porosités réelles entre les médiums (pp.245-247). Olivier Bosson est l’un des explorateurs de cette forme depuis la sortie de son premier DVD chez è®e : Compétent dans sa branche.
Présenter le travail d’Olivier Bosson, c’est tout d’abord revenir sur la spécificité de sa démarche, du travail en liaison avec une hybridation médiumnique et d’autre part un support. La majorité des DVD de vidéopoésies qui sont diffusées, comme chez son@art qui a été pionnier, ou bien la collection le point sur le i sur laquelle nous allons revenir prochainement, sont des créations qui se tiennent dans une double limite : 1/ elles ne sont pas réellement des vidéopoésies, mais elles sont davantage des vidéo liées à une écriture poétique, des vidéos dont on recherche par l’image une certaine poéticité. Si ce travail peut être remarquable, reste que majoritairement il est convenu. 2/ quant au choix du support DVD, il est pratiquement jamais interrogé, jamais mis en question en tant que support qui enveloppe un certain nombre de propriétés. Ces créations vidéopoétiques pourraient aussi bien être sur le web, ou sur cassette vidéo, ou tout autre support. Il n’y a pas de mise en question de ce qu’est faire face à une interface de diffusion, aux possibilités d’écriture, contrairement par exemple à Data_History_X que j’avais créé en 2003, qui non seulement mettait en question la lecture infinie liée à la programmation, mais qui intégrait l’interface de navigation comme lieu même de l’écriture poétique, impliquant alors une forme de ludicité dans la manière de trouver les espaces vidéo-poétiques.
En ce sens pour une part, si la vidéo est entrée dans le champ poétique, ce n’est pas dans une réflexion réelle sur l’écriture et le support, mais c’est en tant que vidéo artistique, et ce que nous observons c’est une juxtaposition avec seulement quelques porosités entre deux médiums qui alors conservent leur syntaxe propre, mais ne se redéfinissent pas véritablement. Nous n’avons pas à faire à ce que je tente de définir depuis 2000 en tant que videopoésie. Cela peut se produire cependant comme dans le travail très intéressant de Frédéric Dumont, publié par Incidents.
Olivier Bosson justement déroge à ces deux impensés, et propose un travail qui d’une part invente une écriture intermédia réelle, et d’autre part, même si cela reste encore insuffisant, réfléchit le support de diffusion.
Le 17 à 17 H, comme Compétent dans sa branche, est une mise en tension de la présence humaine dans le corps sociale et des relations qu’il entretient aussi bien aux énoncés qui le constituent qu’aux images qui en construisent la présence. Avec humour et cynisme, Olivier Bosson, interroge les places constitutives dans ce corps social, celui qui regarde et celui qui est regardé. Cette mise en tension de la place dans la société, il l’établit à partir de notre relation aux modèles, le mimétisme représentationnel, la logique de constitution tout à la fois de nos désirs et de notre image liée à la vidéoprésence. Son travail vidéo, va se constituer alors en mixant, plusieurs sources liées à cette construction sociale : aussi bien linguistique, que vidéos, que multimédias (en recyclant les processus propres à l’écran d’ordinateur). Le DVD est construit lui-même selon une double logique : 1/ une série de scènes qui peuvent être vues indépendamment ; 2/ une narration, quasi-démonstrative, sur la question de nos rapports aux modèles.
Tout au long de cette création, ce sont donc les modèles qui sont interrogés, au sens où ce qui apparaît c’est de quelle manière nos postures, nos désirs sont constitués d’images (cf. première plage "de page 716 à corps social). Or, si comme il le fait dire "mon désir t’emmerde", il est alors nécessaire tout à la fois de déconstruire la posture et cet ordre des désirs et d’autre part de montrer comment le désir réaffecte l’image, à savoir montre l‘imposture du modèle qui est projeté sur l’individu. La déconstruction se fait dans le jeu, souvent très amusant, de la mise à distance de l’image-modèle, par sa réappropriation visuelle et linguistique qui apparaît avec les acteurs. Comme on le perçoit dans les images extraites du DVD, les acteurs jouent l’image publicitaire, et en fait se la réapproprient par l’ordre du discours.
Cette approche vidéo montre comment la société est régie comme une entreprise, ou une structure hiérarchisée, selon des leitmotivs, des slogans, des déterminations de stimuli pensées selon une procédure pavlovienne comme Olivier Bosson le dit lors d’un entretien de présentation fait pour vidéoformes. Et ce qu’Olivier Bosson opère ce sont des formes de glissement qui neutralisent les stimuli, et nous les montrent non plus selon leur apparence, mais selon leur fonctionnement invisible. Il est possible de dire que les vidéos d’Olivier Bosson portent véritablement sur la structure interne du conditionnement social, l’ordre des images/discours. Se dévoile l’incongruence peu à peu entre d’un côté les personnages qui sont pris dans une pensée complexe, des ritournelles, des mises en question, et l’ordre bruyant et magmatique de la société, qui s’il est idéalement un "univers parfait, sans résistance ni frottement", cependant se révèle aussi selon ses imperfections constantes, ses dérapages, ses accumulations absurdes (celle de containers déplacées quasi absurdement par des camions)./PB/