[Nous publions ici une ici une lettre que nous a envoyée Fabrice Bothereau, car au-delà de ce qu’il énonce vis-à-vis de Pan Europa, ce qui est dit nous semble traduire un certain rapport à la poésie qui apparaît problématique quant à sa réception]
Et on se demande pourquoi on quitte un pays
Je m’appelle Fabrice Bothereau, j’ai 39 ans, je suis poète. J’écris de la poésie contemporaine. L’an dernier a paru mon troisième livre, Pan Europa. Personne n’en a parlé, à part Philippe Boisnard, sur son site.
Je m’appelle Fabrice Bothereau, je suis poète, mais je ne suis pas poète. J’écris de la poésie. De temps en temps. J’ai publié mon troisième livre, que j’ai mis six ans à écrire. Mais qui cela intéresse ?
Je m’appelle Fabrice Bothereau, je suis poète, pas VRP ; vendeur régulier de poésie. Pour être poète, ici, en France, il faut être VRP. Je ne suis pas VRP.
Pour être poète, il faut savoir se vendre. Je ne sais pas me vendre.
Pour être poète, il faut tout le temps téléphoner, rencontrer des gens, faire des lectures. Je ne fais pas tout ça.
Mais alors je me retrouve tout seul. Bien fait pour moi.
Mais j’aimerais comprendre pourquoi personne n’a parlé de mon livre.
Peut-être parce que tout le monde s’en fout.
Peut-être parce que c’est un livre de Bothereau, et Bothereau, c’est un con, un sale caractère, pas un VRP, un véritable représentant de la poésie ?
Mais je demande qu’on lise mon livre, et qu’on oublie le nom.
Je n’ai jamais écrit pour mon nom.
A contrario de beaucoup, qui n’écrivent que depuis leur nom, et pour leur nom.
Je demande qu’on lise mon livre, que personne ne lira.
Baudelaire disait que la France n’avait de grands hommes que malgré elle.
Je ne suis pas un grand homme. Je ne suis pas un grand poète. Mais je suis un poète. Pourquoi personne n’a parlé de mon livre à part une personne à qui je l’avais envoyé ?
Pourquoi certain site éminemment VRP n’a même jamais mentionné la parution de mon livre ?
Parce que j’ai une sale réputation ? Moi qui suis si peu mondain, mais qui a eu le mauvais goût de me chicorer un peu avec quelques personnes influentes dans le milieu de Lilipute ?
Je suis un poète contemporain, et personne ne me lit.
Je ne me prends pas pour un poète maudit, mais je ne comprends pas que personne n’ait parlé de mon livre.
Et personne n’en parlera plus.
Le milieu poétique est devenu un média comme un autre, une nouvelle chasse l’autre. Sauf que moi, je n’ai même pas eu droit à quelques lignes.
Qu’on n’aille pas dire que je veux qu’on parle de moi. Ce n’est pas à moi qu’il faut faire ce reproche. Si on me le fait, que faudra-t-il dire de ceux dont on parle tout le temps ? Qui sont tout le temps ici, et là, qui veulent toujours entendre parler d’eux ?
Non, je pose la question de la manière la plus littéraire qui soit.
Siegfried Plümper-Hüttenbrink m’avait dit une fois, dans une lettre, que mon écriture tendait à l’impersonnel, à se débarrasser du je, de l’auteur.
C’est bien cela.
C’est pourquoi cette lettre n’émane pas de Fabrice Bothereau tel que certains le connaissent ; mais de quelqu’un qui a produit un livre.
J’espère que tu publieras cette lettre, Philippe ; parce que j’ai le droit de demander ce que je demande. On pourrait préférer m’oublier, ou qu’on crève en silence. Mais avant de crever en silence j’aimerais comprendre pourquoi personne n’a pris la peine de publier quoi que ce soit sur mon livre.
Mon livre est un livre important, certains amis poètes me l’ont dit.
Alors, si mon livre est important, pourquoi personne n’a signalé sa parution ?
Je trouve ça injuste. Je fais mon Caliméro.
Mais pourquoi récriminé-je ? Ne pourrais-je pas juste la fermer ?
Ce serait plus simple. Mais ça ne l’est pas.
Si tu me lis, Sylvain, dis-moi quelque chose.
F..B
Fabrice Bothereau a publié aussi un très intéressant Rebond dans Libération en août 2006 [lire +]