[Libr-retour] Albane Prouvost, Meurs ressuscite (P.O.L), par Marie-Christine Masset

[Libr-retour] Albane Prouvost, Meurs ressuscite (P.O.L), par Marie-Christine Masset

mars 1, 2017
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Libr-retour] Albane Prouvost, Meurs ressuscite (P.O.L), par Marie-Christine Masset

Albane Prouvost, Meurs ressuscite, P.O.L, 2015, 63 pages, 10 euros, ISBN : 978-2-8180-3625-9.

Meurs ressuscite est un recueil (chant) à double tranchant. L’enjeu est manifeste. Il s’agit de rompre la glace, de recouvrer la paix, de panser les blessures. Vaincre la séparation ou sombrer ad vitam æternam. La poète n’énonce pas sa quête, elle se mue en elle comme une étrange bête à laquelle rien n’échappe. La voix est calme, le tempo doux, parfois saccadé, répétitif comme une litanie dont il ne resterait que quelques mots ou passages fragmentés.

Le monde se transforme, se dilue dans un réel où s’accrochent pommiers et sorbiers, éléments vitaux extirpés à force de poésie des profondeurs abyssales à peine recouvertes de glace : en train de supplier sous la glace les pommiers// un pommier me manque/un pommier me manque terriblement. Le lieu du chagrin, de l’absence innommable est cette peau froide qui isole la poète de toutes étreintes. Elle ne semble pas lutter et pourtant, le sorbier rouge apparaît, double d’elle-même, de ses blessures (de celles des autres) et de sa soif de guérison. Le rouge se répand dans les mots, petites gouttes de sang nourrissant le monde sensible tu peux secourir tes sorbiers rouges si tu veux.

Pommiers, sorbiers, renard, cerisiers, glace, forteresse, neige, glace, résistent les uns aux autres mais se confondent aussi par le miracle (mirage ?) de la voix et du rythme des vers. La densité de meurs ressuscite n’atteindrait pas un tel degré si la poète manquait de lucidité. En effet, Prouvost parvient à faire disparaître toute unicité : ainsi un pommier aurait pu dire par exemple je suis de la neige sauvage, mettant en scène (et en jeu) une des fonctions de la poésie, en finir avec l’arbitraire du signe. Elle écrit cependant, sans laisser  sourdre la moindre déception : un jeune renard n’est pas un glacier. Il y a de l’Alda Merini dans cette voix pourtant douce à l’extrême, la poète ne s’interdit rien : la neige est une bonne forteresse mais c’est un guépard. meurs ressuscite sont liés, titre résonnant comme une injonction, un soupir ou un cri de soulagement car tel est le pouvoir de cette écriture : lier les possibles tout en brouillant avec subtilité et maîtrise les pistes où chacun finit (à son insu) par choisir son paysage, celui-ci hautement poétique.

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rédaction

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