[Libr-retour] Jean Le Houx, Chansons bachiques, par Christophe Stolowicki

[Libr-retour] Jean Le Houx, Chansons bachiques, par Christophe Stolowicki

août 23, 2019
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Libr-retour] Jean Le Houx, Chansons bachiques, par Christophe Stolowicki

Jean Le Houx, Chansons bachiques, éditions Lurlure, préface d’Emmanuel Caroux, 2018, 144 pages, 19 €, ISBN : 979-10-95997-04-7.

Pourquoi chansons à boire, si simples, étaient et demeurent poétiques, même quand elles dérivent vers plus modeste que le vin, le cidre – ce qui se conçoit d’un natif de Vire en Calvados composant des vaudevires, qui soit dit en passant n’ont aucune étymologie commune avec les virelais. Oui, pourquoi – alors que féru des progrès de l’œnologie, fort de la longueur en bouche des plus grands crus on tombe toujours à plat, à gras, à suffisance élaborée.

Chez Jean Le Houx (1545 ou 1555 – 1616), né un demi-siècle après Rabelais, rien de gargantuesque ni de superlativement érudit. D’emblée l’aveu : « Faible en complexion, je hais l’ivrognerie ». Et « De latin je n’appris guère, / Y pensant être assez savant / Puisque bon vin j’aimais à boire » (bouère est la prononciation de l’ancien français, qu’ont conservée le bas-normand et le percheron). Loin de la prose excessive rabelaisienne, la poésie a ici le sens rassis – ce qui appelle toutefois la boutade de Wilde : only excess succeeds.

Prudence de bon bourgeois (probablement avocat) en un temps de guerres de religion (Vire plusieurs fois pillée). L’intérêt de ce livre, que le génie n’effleure pas de son aile, est ailleurs : dans la chanson, en répétition de thèmes courus (l’eau sied aux avares, le vin est bon pour la santé), dans sa richesse et variété prosodiques. De strophe en strophe l’hexamètre y alterne avec l’alexandrin, sert de chute à l’octosyllabe. L’heptamètre préfigure Verlaine, de liquidité il est vrai plus de piot que de langue. Avec « maîtresse » rime « perse », exceptionnellement. Quelques vers libres (jusqu’à dix-sept syllabes) impriment le cachet d’aveux personnels.

L’absence de génie confine au génie, plain et plein chant. Ainsi, dans ces remerciements à qui, souffrant d’une rage de dents, a régalé ses amis, « trop volontaire / Pour avoir le cœur marri / D’avoir vu la bonne chère / Que nous avons fait chez lui. / Monsieur l’hôte, / Voyez, j’hôte / Mon bonnet honnêtement. / On me prie / Que je die / Qu’on vous rend grâce humblement. / Mais si le vin reste au pot, / Qu’il est encore de l’écot, [écot : note à payer chez un restaurateur] // Faites-en laver la bouche / À quelques-uns d’entre nous, / Avant qu’un valet n’y touche / – Puisque tout dépend de vous ! / Je ne cure, / Je vous jure, / Jamais ma bouche autrement. / Notre hôtesse, / Je vous laisse / Mille mercis en paiement. / Ceci serait éventé… / J’en bois à votre santé ! », en quatre laisses de vers impairs de structure subtile identique, à faire pâlir la villanelle et la sextine.

Même maîtrise à rapporter tous sujets au vin par choix délibéré (son amie qui repousse l’ivrogne, la guerre qui détruit les vignes) de compagnon raisonnable (« Buveur quant au renom mais non pas de nature ») qu’à structurer ou lâcher ses vers. Alors qu’il s’agit de bon vin non de piquette (il y revient souvent) – vin et poésie font chez lui grand bon ménage parce que « Denis » (Dionysos ! le français génial simplificateur) en grandes Dionysies ne s’est pas encore spécialisé dans l’œnologie.

L’orthographe adoptée, la discrétion des appels de notes (corps diamant sinon poudre de pépite) traquant l’anecdotique mais non ce qu’éclaircit facultativement le glossaire, la pertinence des notes et variantes rendent ce texte particulièrement lisible à chacun.

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rédaction

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