Patrick Dubost,13 poèmes taillés dans la pierre, La Boucherie littéraire, « La Feuille et le Fusil », juillet 2016, réédité en mai 2019, 38 pages, 13 €, ISBN : 978-29551283-5-0.
On dit je ; on, dis-je ; on dicible. En treize immatériels triangles rectangles tout en contreforts, failles et soutènements – poèmes, de moins en moins verticaux à mesure que leur fondement se dérobe, que leur base s’embrase en nombre π, en nombre d’or.
Chiffrant le pieux et l’éternel. « On dit “on” » où l’on s’indéfinit de passer à la ligne, celle de flottaison, de désincarnation. On dit je est le salut, l’amalgame, la résurrection. On de nous baigne le je que son pluriel appelle à tire d’ils où elles savonnent sa planche d’or.
Piliers du moi en soi, treize poèmes. En soi oblitérés. En soi pour soi du moi haïssable absous, dissous. Dans le on universel. En fadaises sur la falaise de l’éternel retour. En bémols d’un dièse qui les amplifie.
On se dit qu’en cinquante-neuf secondes ou tierces le temps effritera l’empire quaternaire que dans les yeux d’un enfant chat l’on mire double comme le mage de l’image « unique […] imprimée / même si / de deux manières différentes », en l’une & l’autre ou l’une ou l’autre ourlée d’outre-tombe.
On lit et l’on relit, ce triangle rectangle réitéré est le puits, le contrefort rocheux, la pierre et la ficelle en boucle quand « on se réfugie / au cœur de l’immobile / on apprend à lire / dans les herbes folles. »
La poésie de Patrick Dubost traduisible universellement.
Car cet on pour dire un entre je et nous qui s’indéfinit au cloître, au disparaître, existe-t-il de toute sa portée dans d’autres langues ? Oh que oui. Tel celui inclusif d’auditeurs, parfois simple conjugaison du verbe, tant aux Indes qu’aux Amériques qu’en Océanie. Quand bien même le cloître en son silence n’existe que dans nos pays.
Un est on. One never knows.
Mais l’on sait que l’on atténue le on, ourle de pataphysique celui qui d’entame hiatus dit « On // a fait / de / la lumière / le centre / de toute chose » et « couché sous l’arbre / au centre du préau / jusqu’à la nuit tombée » se suspend « jusqu’à voir / descendre dans une main ouverte et sous un / dernier rayon une / première météorite une / minute de silence un / premier jour sans lendemain. »
Il y a dans la traversée de la matière le même projet que dans celle du sens, du non-sens. Le crayeux, le calcaire, « tout empaqueté de pierres / et d’enduit frais », se défait, s’oblitère. Dans « On // existe / un peu / plus / quand / on existe / un peu moins / dit un insecte / occupé à courir / sur ma main » résonnent les oremus d’une civilisation entre toutes vouée au poème. Terre-plein d’un plain-chant.
Treize poèmes. Onze manque d’ampleur comme nombre premier.
Le bonheur qu’en a fait l’éditeur sur papiers Fedrigoni, brut d’emballage les poèmes, écrin quelques pages d’un pistache lumineux, couverture foulée et refoulée pour une sadienne absorption.
Fallait-il en atelier d’écriture une cellule de chartreux pour clamer à la face du je l’emprise du sens en déprise des sens, la prise de vœux en guise d’aveu initiatique d’humaine impuissance ? Sans doute. Treize est d’ascèse le nombre premier que Patrick Dubost a élu dans sa piété d’athée.