Edith Azam, amor barricade amor, ed. atelier de l’agneau, 113 p. ISBN : 978-2-930440-02-6. prix 15 €.
[4ème de couverture]
Il était d’un côté de la barricade, elle était de l’autre côté : cela aurait laissé présager le pire. Mais à cause du vol des pigeons cela ne laissait rien présager du tout."
Performance sonore "douce à l’écoute et poignante et chantante" comme l’écrit Eric Clémens. Elle sais rester en tension avant le cri.
L’accompagnement visuel : dessin sur écran, aloute au jeu.
[Chronique]
On se souviendra de l’accueil plutôt réservé que j’avais eu du livre Letika klinik, qui me semblait peu original, dans tous les cas ne pas correspondre à la renommée rapide et méritée qu’Edith Azam a obtenu grâce à ses très belles lectures [1] [2]. Avec amor barricade amor, tout à la fois, on reste dans l’univers enfantin d’Edith Azam au niveau de l’expression et de sa thématique (ici l’amour), et nous abordons un travail plus mûr, davantage abouti me semble-t-il, même si quelques réserves seront émises par rapport au travail graphique.
L’idée qui oeuvre dans ce nouveau livre, tient au fait de poser la page comme le lieu de la rencontre entre deux protagonistes, elle et lui, Julien, CRS, de l’autre côté de la barricade. Symétrie, croisement de regards, amor barricade amor. La page est le lieu où la barricade va s’incarner, devenir élément linguistico-graphique de la rencontre pour les mots et les deux pensées. Ce dispositif esthétique fonctionne parfaitement dans les pages les plus minimalistes, à savoir qui se refusent à la figuration. En effet, si pour une part, il y a des pages où les barricades se multiplient ou se métamorphosent "triplant de volume" amenant un découpage de l’écriture très spatialisé, d’autre part, il y a aussi un certain nombre de pages jouant sur la figuration (représentation schématique du regard, du corps, etc. dessins faits sur ordinateur, façon Amstrad 6128) qui paraissent très maladroites, pas assez travaillées, voire même pouvant gêner la lecture par leur maladresse (cela donne un côté poésie spatiale mal maîtrisée old school, peu réfléchie par moment, faite sur un vieux word. En ce sens je suis en contradiction complète avec ce qu’écrit Florence Trocmé sur Poézibao à propos de la mise en page, notamment au vue de ce qui s’est fait en poésie visuelle et spatiale.).
Donc, ce livre est une histoire de rencontre. Par rapport à ses précédents textes, nous sommes davantage dans une forme narrative, où se joue le croisement de la voix personnelle d’elle, et de lui. L’écriture se donne comme une forme d’enregistrement au dictaphone, aussi bien de ce qui constitue la masse sonore du lieu de manifestations, PAUSE que des pensées intérieures des personnages. PAUSE De même, elle est aussi enregistrement visuel par le regard de chacun d’eux, elle et lui, notamment des pigeons et de leur évolution dans ce lieu de manifestations. "Pause" vient ponctuer régulièrement ce récit poétique, donnant une forme de souffle, de soudaineté constante de ce qui a lieu. Cette écriture très rythmée, avec moins de créations idiolectales que dans d’autres textes, témoigne d’une réelle force, et offre un tempo saisissant à ce qui se déroule. C’est là, précisément qu’Edith Azam me paraît avoir gagner en maturité : croiser un travail de narration classique, jouant sur des ritournelles, et ses inventions idiolectales, qui alors détonnent, obtiennent une intensité plus probante, que quand elle les multiplie.
Dès lors, pour ceux qui ne connaissent pas Edith Azam, c’est le livre que je conseillerai de découvrir en premier lieu.