[Livre] Eric Chevillard, Péloponnèse, par Jean-Paul Gavard-Perret

[Livre] Eric Chevillard, Péloponnèse, par Jean-Paul Gavard-Perret

octobre 31, 2013
in Category: Livres reçus, UNE
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[Livre] Eric Chevillard, Péloponnèse, par Jean-Paul Gavard-Perret

D’abord parus sur le site associé au Théâtre du Rond-Point, Vents contraires, ces textes irrésistibles qui constituent un parti pris des choses chevillardien viennent d’être publiés par les éditions Fata Morgana : balai, escalier, miroir, pierre, porte, ou encore poêle à frire vous attendent pour le meilleur et pour le rire…

 

Eric Chevillard, Péloponnèse, dessins de Jan Voss, éditions Fata Morgana, Fontfroide le haut, octobre 2013, 104 pages, 19 €, ISBN : 978-2-85194-879-3.

Les chroniques de Chevillard sont une suite de résonances intempestives au conditionnement du réel. Elles permettent de le rendre absurde par effet de drôlerie au sein des actions et réflexions inattendues qu’elles distillent. Quittant le roman où il excelle, Chevillard trouve dans la chronique un autre champ fabuleux d’exploration. Car si le roman peut isoler un individu, l’éclairer, il reste ici célibataire de tout, même de son visage lorsqu’il se regarde dans le miroir le matin. A l’inverse du héros romanesque, il se fond dans l’anonyme en dépit de son penchant pour l’éternité. Tout est bon pour souligner la « misère » de l’être, et avant tout celle de l’auteur lui-même. Il reconnaît qu’à sa grande honte et en dépit de sa « sa vaste et pointilleuse érudition  », il n’a jamais pu lire Les Guerres du Péloponnèse de Thucydide, ce livre lui tombant des mains…. Ce n’est là qu’un des avatars des nombreux jouets de nos illusions dont Chevillard devient le « dépeupleur », en fidèle descendant des thuriféraires des Editions de Minuit où il publie ses romans.

Au temps présent douloureux et flou, Chevillard accorde moins une trêve qu’un regard sarcastique en traitant l’absurde par l’absurde. Ses chroniques intempestives sont un délice. Manies et tics s’y trouvent décodés avec une espièglerie incisive. Par exemple, lorsqu’il va dans un musée, l’auteur n’a qu’une curiosité : à l’insu des gardiens, soulever les toiles pour voir ce qui est inscrit derrière… Il piste de la sorte tous les lapins que le réel nous pose. D’une chronique à l’autre, le temps devient un sable émouvant. Les choses telles qu’elles sont deviennent (presque) des choses en « soie ». Tout cela ne fait pas un pli. Même aux  pantalons dont, pour l’écrivain, le pluriel est douteux, voire incompréhensible, puisqu’on n’en met toujours qu’un. Il rappelle soudain Beckett, qui se plaignait de la lenteur de son tailleur en lui rappelant qu’il lui fallait un mois pour la couper à façon, alors que Dieu avait fait le monde en huit jours. Ce qui lui valut la réponse cinglante et imparable : « Tu as vu le monde ? Regarde mon pantalon ». Dans la même veine, Chevillard – comme il le professe  – « déblaye, plafonne, chauffe et suspend le temps à une patère ». Avec l’auteur, cette patère n’est jamais austère.

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rédaction

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