[Livre] Jean-Philippe Cazier dir., Les Collages de Karl Waldmann

[Livre] Jean-Philippe Cazier dir., Les Collages de Karl Waldmann

juin 28, 2011
in Category: Livres reçus, UNE
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Jean-Philippe CAZIER dir., Les Collages de Karl Waldmann, éditions Jannink et Artvox, 2011, 168 pages, 40 €, ISBN : 978-2-916067-52-0..

Avec sa centaine de magnifiques reproductions (et leurs références précises), ce volume apporte une précieuse contribution à l’histoire des arts, dans sa dimension esthétique et socio-historique, puisqu’il nous fait découvrir rien moins qu’un artiste moderne disparu au milieu du XXe siècle et resté inconnu pendant près de quarante ans.

"Qu’importe la notion d’auteur… car la trace de l’auteur se trouve seulement dans la singularité de son absence" (Michel Foucault cité en exergue).

Une fois n’est pas coutume, de l’auteur on ne sait rien ou presque : pour Ange-Henri Pieraggi, dans une perspective deleuzienne, il y a justement un "événement Waldmann" parce que l’œuvre n’est que par la volonté et le point de vue de celui qui lui donne sens ; pour Pascal Polar, ce qui est fascinant, c’est précisément cette "existence de personne"…

La chute du Mur de Berlin en 1989 a permis de découvrir un millier de collages et de photomontages réalisés entre les deux après-guerre – soit en une trentaine d’années – par un artiste énigmatique né en Allemagne et mort au goulag, dont on connaît d’autant moins la trajectoire qu’il semble inconnu dans le champ esthétique contemporain. Ce qui est certain, selon Jean-Philippe Cazier, c’est que son œuvre est marquée par la modernité expressionniste, dadaïste et constructiviste, et qu’elle "se révèle fondamentalement anti-fasciste" du fait même qu’elle « sort du régime "totalitaire" du signe. » Aussi ne faut-il pas se limiter à l’interprétation socio-historique : détournant les topos nazis, staliniens, voire hollywoodiens (exaltation du peuple, portraits de ses dirigeants, éloge de la modernité technologique, archétypes féminins, etc.), les collages pluridimensionnels de Waldmann "mettent effectivement en question les rapports du signe, du sens et de l’identité", tirant leur puissance suggestive du télescopage d’éléments hétérogènes.

Se situant également dans le droit fil de Deleuze, Adnen Jdey montre en quoi cette œuvre défait l’image, c’est-à-dire déconstruit la relation qui semble aller de soi entre sujet et objet de la représentation. Et d’analyser ainsi le photomontage kw385bis : "Le visage y semble pris et emporté, de par son entour, dans un étroit devenir-architecturé du plan s’élevant au voisinage de la bande grisâtre qui sous-tend l’ensemble, posé sous tension de deux bandes rouges diamétralement opposées ; la machination des composantes n’en demeure pas moins réelle, de la réalité du devenir qu’elle véhicule, mais toujours diagrammatique en ce qu’elle abstrait la visagéité de sa signifiance. […] Cette visagéité y devient plutôt un signe construit, non donné et asignifiant. C’est là que le photomontage épouse en surface le pur mouvement de déterritorialisation réciproque du contenu et de l’expression, en ce sens qu’il diagrammatise la figue sur le plan en la portant vers une déstratification de la Forme-Image" (p. 131).

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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