Apparemment plus lyrique que d’habitude… mais toujours : images éclairs, agencements répétitifs et dissonances pour dire le corps-paysage, les choses invisibles… /FT/
Laura Vazquez, La Main de la main, Cheyne éditeur, Le Chambon-sur-Lignon, prix de la vocation 2014, 64 pages, 16 €, ISBN : 978-2-84116-209-3.
Une fois de plus Laura Vazquez étonne. Son livre – si intime mais totalement pudique – résonne comme un bestiaire :
« Le premier matin de ma vie
la guêpe est venue dans ma bouche »
d’où une suite de modifications existentielles :
« j’ai senti
des renards dans mes seins
les pieuvres dans mon cou »
mais aussi des buissons, des prairies, des forêts dans son ventre. Et cela ne fut pas simple. Il fallut attendre que la voix sorte de la bouche d’ombre et que la langue devienne « Main de la main ».
Pour la faire passer il fallut la plier, la réduire en molécules et qu’elle devienne une flaque d’encre de celle qui se dissout parfois sous l’aspect d’une tache d’ombre. Comme un furet elle court, court sa forêt des songes et celle des temps, s’y avance, trouvant des conduits où au nom de l’amour. C’est sans doute ce sentiment qui lui fait tirer la langue aux objets et à ceux qui passe sans la voir. Non qu’elle ait besoin de reconnaissance, elle veut simplement « être » – en dépit des maladies de « peau », des maladies de cœur. Mais qu’on se rassure son livre n’a rien d’un énième poème sentimental : la poésie n’est là qu’à la recherche de sa langue – « mon bout de chair que j’aime » dit finalement la poétesse.
Cette langue est une terre qui tremble comme dans un vieux film italien. Tandis que dans son ventre « le poisson tourne », le poème fuit les abstractions et les diamants en toc. Laura Vazquez leur préfère ses animaux. Qu’importe s’ils sont malades de la peste. Pour écrire leur confidences, la poésie se fait velours-humour en sauts et gambades. Elle laisse derrière elle une évidence crayeuse, une joie ironique et l’être dans ses secrets. Ils sont lourds de douleurs. Mais rien ou presque n’en sera dit même lorsqu’elle adresse à elle-même son « tu entends ce qui sort de ta bouche ? ».
Elle préfère non se taire mais demander aux arbres qui la peuplent de répondre pour elle. Comme si la bouche « pleine de cheveux, de cirages, de groseilles pourries » ne pouvait plus oser ou n’osait pas encore dire la pensée qui traverse ses lèvres. Mais au nom de cette impossibilité, elle fait beaucoup mieux dans ce qui ressemble à un pleurement sans larme et une interrogation toujours déplacée.