[Livre + mise au point] E-formes, écritures visuelles sur support numérique

[Livre + mise au point] E-formes, écritures visuelles sur support numérique

septembre 18, 2008
in Category: Livres reçus, UNE
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  E-formes, écritures visuelles sur support numérique, dir. Alexandra Saemmer et Monique Maza, ed. Presses Universitaires de Saint Etienne, 220 p. ISB : 978-2-86272-485-0, 23 €.

[Présentation éditeur]
Cet ouvrage est l’occasion d’une réflexion croisée de chercheurs et d’artistes de provenances très diversifiées, sur un domaine dont les productions brouillent les frontières entre les arts et les usages et échappent aux paradigmes conventionnels de l’analyse et de la critique. En effet, pétries de nombres et modelées par les programmes informatiques, les « e-formes » s’actualisent néanmoins par des mots, des images et des sons. Ainsi, le plus souvent à la frontière entre les objets artistiques mis en ligne sur le Web et les objets de communication conçus pour lui, elles se réapproprient les formes traditionnelles, les incorporent dans leur propre médium et composent entre programmations et pratiques interactives. Que l’on s’inquiète de leur fondement ludique, de leur légèreté inconséquente, de leurs faux-semblants, ou que l’on se réjouisse de leur sens parodique ou de leur génie poétique, il importe d’admettre que ces e-formes participent d’un paysage culturel encore flou que les textes ici réunis ont le mérite d’explorer et de commencer à clarifier.

[Intervenants]
Luc Dall’Armellina
De quelques e-formes d’écritures
Philippe Boisnard
Le retournement des présupposés de la diffusion littéraire à partir de l’analyse du spam-poetry
Philippe Bootz
Poésie numérique : la littérature dépasse-t-elle le texte ?
Serge Bouchardon
Le récit littéraire interactif : une esthétique de la matérialité
Constance Krebs
Archaïsmes et nouveauté
Sandrine Lascaux
Objets poétiques mobiles : Eric Sadin, Tokyo, TOKYO_REENGINEERING
Martial Martin
L’irruption d’une nouvelle forme narrative : les « alternate reality games »
Monique Maza
Les tableaux des arts numériques : Données “texte” et “données sensibles” dans Temps de pause
Lionel Ruffel
Littérature sur support numérique et régimes esthétiques
Alexandra Saemmer
Figures de style électroniques
Bruno Scoccimarro
Le récit numérique aux marges de la disparition
Guenael Séauve
Les Jeux vidéo : un exemple d’hypermédia ?
Marc Veyrat
En attendant toto

[Mise au point]
Alors que certains pensent que le milieu de l’e-poésie est fait de nullos, n’hésitant pas à citer à l’emporte pièce mon propre nom (pourquoi pas), il semble nécessaire de se pencher quelque peu sur les enjeux de l’e-criture, et sur ses moyens d’intervention. C’est ce que ce colloque a fait, permettant de croiser différentes directions de recherche : 1/ celle par exemple de Monique Maza interrogeant à partir d’une création en flash aussi bien la nature esthétique de la création que ses logiques de circulation  2/ ou  encore dans l’approche linguistique et rhétorique que tente Alexandra Saemmer des créations e-poétiques,3/  que cela soit celle encore se développant dans des recherches de programmation complexe liée à des recherches neuro-cognitives et la possibilité de l’infinie invention du poème par Philippe Bootz, …

Si ce colloque est riche d’enseignement, c’est qu’il montre la diversité des pratiques d’e-criture, et en quel sens il est dificile de penser l’e-criture à l’aune de la catégorie du "genre" comme cela peut être en littérature. Le terme d’e-criture rassemble d’abord et avant tout, ceux qui s’intéressent à la création littéraire reliée à la programmation et à ses potentialités. Il ne s’agit pas seulement de se pencher sur l’hypertextualité et la génération informatique de texte (ce qu’a fait parfaitement depuis de nombreuses années Jean-Pierre Balpe) mais d’interroger les différentes directions prises par l’e-criture (je renvoie au très bon entretien publié dernièrement par Florence Trocmé sur Poezibao entre Tibor Papp et Alexandre Gherban). En ce sens, différents genres littéraires se croisent, et ces différents genres eux-mêmes peuvent envelopper beaucoup d’hétérogénéité.

Si nous considérons par exemple l’e-poésie. Ce genre, qui n’est qu’une des pratiques de l’e-criture, se subdivise en autant de pratiques littéraires que la poésie elle-même : du poème lyrique jusqu’à une e-poesie action liée à la performance dans la lignée des avant-gardes. Si existe l’étiquette e-poésie, c’est que ce sur quoi se focalise les recherches c’est le support informatique. Ainsi, ce qui prédomine le champ de recherche, ce n’est pas tant pour le moment, d’interroger seulement la nature poétique de ce qui est présenté (même si bien évidemment il est nécessaire de le faire et de très nombreuses discussions ont déjà eu lieu sur ce sujet), que de réfléchir sur la démarche matérielle qui amène à produire le poème. En ce sens, si je considère les créations de Philippe Castellin d’un côté et de l’autre de Philippe Bootz, il est évident que quant au poétique ils sont hétérogènes, toutefois, ce qui les rapproche et permet un réel dialogue entre eux, c’est le fait qu’ils s’interrogent sur les potentialités du matériau informatique, ici à proprement parlé : ce qu’il est possible de faire et produire à partir de director. De sorte que voir une oeuvre, en faire l’expérience exige d’avoir toujours à l’esprit la différence qu’il y a entr d’un côté la partie visible de ce qui est vu et de l’autre la partie cachée informatique qui ressort de la programmation. Une question peut se poser : est-ce que la poétique de ces oeuvres n’est à saisir que dans le résultat ? N’y aurait-il pas dans le travail de programmation une approche poétique ? Comme je l’expliquais, lors de la soirée du 15 avril à la SGDL (Écrire en 4D), à partir de la différence entre une programmation [pure data~] et de l’autre en lingo, "code is poetry". Il m’apparaît que le travail du code lui aussi se constitue comme une recherche poétique, voire par moment quasi esthétique.

Cliquer pour voir en grand. Capture d’écran de "Idées noires" création pour la soirée du 15 avril à SGDL. Sur cette capture on voit d’un côté le rendu (qui est dynamique et interactif avec la voix) et de l’autre une partie de la programmation en [pure-data]

C’est sans doute cela qu’il est difficile de cerner et de comprendre pour un public extérieur. C’est sans doute aussi pourquoi parfois ces oeuvres peuvent être déceptives. Il faut établir cette différence entre le poétique visible et de l’autre la création de la programmation et ce qu’elle interroge. De plus, ce qui renforce la déception, c’est l’attente de l’effet de la part du public, notamment au sens où, bercé par une prolifération des images, vidéos et jeux numériques, une forme d’inconscient de l’effet travaille secrtètement dans toute attente de perception . Là aussi, une forme de mécompréhension se produit. Si d’un côté, il y  a des créateurs de poésies numériques qui sont dans l’effet, dans la vitesse et le spectaculaire (que cela soit Jörg Piringer ou encore hp-process) du fait qu’ils développent leur travail en performance, de l’autre, tel que le rappelle Philippe Castellin, dans Up date (ed. Le dernier télégramme), la création e-poétique n’implique pas nécessairement la vitesse ou bien le spectaculaire. Il peut y avoir justement contre une idéologie de la vitesse liée au processus informatique (cf. Paul Virilio, L’esthétique de la disparition), une forme de lenteur, de recherche du glissement invisible, aussi bien esthétiquement que lingustiquement. C’est le cas entre autres de Philippe Bootz, qui travaille davantage dans la liaison intime du rapport écran/spect’acteur.

L’e-poésie n’est pas ainsi réductible à une forme d’école, ou bien encore à un seul horizon poétique, mais elle demande de saisir la complexité de démarches informatiques en liaison avec des généalogies poétiques distinctes pour chaque créateur.

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Philippe Boisnard

Co-fondateur de Libr-critique.com et administrateur du site. Publie en revue (JAVA, DOC(K)S, Fusees, Action Poetique, Talkie-Walkie ...). Fait de nombreuses lectures et performances videos/sonores. Vient de paraitre [+]decembre 2006 Anthologie aux editions bleu du ciel, sous la direction d'Henri Deluy. a paraitre : [+] mars 2007 : Pan Cake aux éditions Hermaphrodites.[roman] [+]mars 2007 : 22 avril, livre collectif, sous la direction d'Alain Jugnon, editions Le grand souffle [philosophie politique] [+]mai 2007 : c'est-à-dire, aux éditions L'ane qui butine [poesie] [+] juin 2007 : C.L.O.M (Joel Hubaut), aux éditions Le clou dans le fer [essai ethico-esthétique].

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2 comments

  1. rollet

    ceci est une découverte pas facile néanmoins de tout comprendre ça me renvoie à des interrogations , enfin des questions à se poser ! cette écriture s’adresse à un public averti , mais ceci n’ote en rien l’intérêt de chercher à comprendre tellement les réflexions sont magiques.

  2. rédaction

    oui, en effet, beaucoup de questions se posent à partir de ces recherches.
    Par contre, si en effet, un certain nombre de travaux en effet ne s’adressent qu’à un public averti, il y a aussi toute une dimension très accessible au public.
    Que cela soit par exemple dans les recherches sonores ou/et vidéo.
    Si je considère des travaux comme ceux de Joachim Montessuis, de Philippe Castellin, ou encore pour nous citer Hortense gauthier et moi-même hp process, ce dont je me rends compte, c’est que la réception est d’ailleurs par moment plus simple avec un public non spécialisé qu’avec certains publics avertis par exemple celui des lectures de poésies, qui par moment est réfractaire à l’usage que nous faisons des technologies et qui de même reste en retrait des questions liées à la programmation qui sont cependant essentielles.
    J’en reparlerai en mars, lors de mon intervention dans un colloque sur l’art et la programmation, au sens où je publierai sur L-C les pistes que je développerai durant mon allocution.
    en tout cas si cela t’intéresse tu peux voir un extrait de mon nouveau travail avec hp process : ici
    http://databaz.org/xtrm-art/?p=181

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