Pierre Jourde dir., Université : la grande illusion, L’Esprit des péninsules, 2007, 268 pages, 21 € ISBN : 978-2-84636-107-1
Quatrième de couverture
Si les livres abondent sur l’école, ils sont rares sur l’Université, en dépit de la masse croissante des étudiants et de la gravité des problèmes. Le public ignore toute l’étendue de la ruine de l’enseignement supérieur. On refuse de voir à quel point la lassitude et l’écoeurement se sont généralisés parmi les universitaires. On méconnaît l’absurdité du déluge de réformes qui se déverse sans interruption sur l’Université depuis des décennies, le délabrement des locaux, l’absence de débouchés pour les étudiants, le clientélisme croissant qui, sur l’alibi de l’autonomie des établissements, transforme les recrutements en promotions locales. L’Université, en France, n’est plus qu’une façade.
Cet ouvrage réunit quelques vigoureuses réactions d’universitaires face à cette situation. Ils appartiennent à des établissements d’enseignement supérieur divers, et à différentes disciplines, de la littérature à la médecine et du droit aux mathématiques.Sommaire
Avant-propos, par Olivier Beaud et Pierre Jourde
Olivier Beaud, André Guyaux, Philippe Portier, Contre l’instrumentalisation de l’Université
André Guyaux, Eppur si muove
Antoine Compagnon, Pourquoi la France n’a pas d’Université
Pierre Jourde, La destruction organisée du savoir, de l’école à l’Université
Jean-Fabien Spitz, Les trois misères de l’universitaire ordinaire
Jean-Fabien Spitz, 2007 : n’oubliez pas l’Université
Claudia Moatti, Université : cote d’alarme
Grégoire Bigot, La grande pitié des universités françaises
Bernard Kalaora, L’Université malade : l’échec programmé d’une réforme
Claudio Galderisi, Le tiers d’amour ou la « préférence locale » du « darwinisme à l’italienne » au 46-3 à la française
Paolo Tortonese, Contre la professionnalisation des universités
Pierre Schapira, L’Université au coeur de la formation des enseignants
Yvon Houdas, Valeur littéraire des thèses de médecine
Olivier Jouanjan, Le carnet de notes de Sigismond Pnine
Premières impressions
Le chant du cygne que nous adresse L’Esprit des péninsules est conforme à cet esprit frondeur : dissonant ! Le dernier pavé dans la mare qu’il vient de lancer concerne l’Université : la vénérable institution est semblable à l’horrible squelette infirme qui crève la couverture, reproduction de (1894), de Joseph Sattler. Jusqu’au début du siècle, l’espoir dans un hypothétique salut incitait aux thérapies de choc (ARESER, Quelques diagnostics et remèdes urgents pour une Université en péril, Liber, « Raisons d’agir », 1997; Jean-Hervé Lorenzi et Jean-Jacques Payan, L’Université maltraitée. Pour sauver notre enseignement supérieur : universités, grandes écoles et recherche, Plon, 2003) ; aujourd’hui, il suffit de lire les titres des deux derniers livres publiés, Université, une misère française (2006), de Guy Burgel, et celui-ci, sous la direction de Pierre Jourde, dans lequel les intitulés de certaines contributions sont également très révélateurs, pour s’apercevoir que le ton a bien changé…
Même l’apostrophe aux candidats à l’élection présidentielle est désabusée : « Candidats, candidates, encore un effort ! Dites-nous sans barguigner et sans tabou comment vous concevez la formation des générations futures ? » (p. 150).
Si l’on peut regretter que la moitié de ce recueil soit composé d’articles déjà publiés, et parfois déjà anciens (de 1998 à 2006 exactement), la mise en perspective qu’il offre est néanmoins utile et intéressante. N’est en effet négligé aucun des problèmes cruciaux qui se posent avec acuité depuis une dizaine d’années : fonctionnement institutionnel, état matériel, savoirs, examens, statut et recrutement des enseignants-chercheurs, recherche, formation, « obsession de la professionnalisation », vie étudiante, remous politiques…
Avant que d’y revenir dans une chronique spécifique comme dans un article sur Jourde, on méditera sur ce paradoxe : « s’il y a crise, pourquoi les universitaires ne se mobilisent-ils pas ? » /FT/