Jean-Paul Gavard-Perret nous fait découvrir les nouveaux astres de la fantaisie.
Plonk er Replonk, De zéro à Z, l’abécédaire de l’inutile, éditions Hoebeke, Paris, automne 2013, 96 pages, 19,90 €, ISBN : 978-2-842304881.
Plonk et Replonk de leur Suisse natale pendent le réel au gibet de leurs mises en scène. Pour botter les fesses de la réalité il ne manque jamais de train. Archéologues de l’homme postmoderne, ils feignent de lui tendre des images surannées et sépia. Mais sous l’apparence du temps révolu le présent se transforme en une science-friction au sein d’une fantaisie faite de rigueur helvétique dans laquelle l’hygiène la plus intime est celle de l’esprit.
Celui-ci, dans ce faux Musée Grévin et ce clone de celui de Madame Tussau, joue des valses communicantes bien plus probante que celles du Breton surréaliste prénommé André. On revient là au meilleur du dadaïsme : les apparences se transforment en victimes militaires des guerres inciviles que les deux frères Froidevaux (c’est leur vrai nom !) entament pour casser le vernis des ongles du réel. Sous des titres harmonieux se dressent des dégommages en règle : un facteur vient sur la lune apporter un message de félicitation de Madame Pompidou à Neil Armstrong. Une famille tout sexe confondu vient poser pour honorer la moustache dont chacun de ses membres se bardent. Si bien que les significations nonsensiques représentent le tonus secret de cette poésie en mots et images. En ses niches elle ne manque jamais de chien.
Plonk et Replonk jouent les artilleurs, leur miel tourne dans les bienfaits de leur férocité. Si bien que les raies alitées produisent des sourires pour tout croyant qui prend son Darjiling dans des tasses athées. Les mots comme les images s’envolent : l’hypothalamus, fort marri de leurs infidélités notoires et secoué de rire, en attrape des courbatures. La poésie mal ordonnée (volontairement) commence par elle-même pour se tirer une belle dans tout lieu excentrique. Et qu’importe si tous les goûts des deux Suisses ne sont pas dans la nature. Leur œuvre insidieusement misanthropique est conseillée à tous les dépressifs tant elle regorge de coups de pied aux nues et de coups d’épée dans l’O comme dans les 26 autres lettres de l’alfa-bête. Les vitriers y portent des costumes à carreaux si bien que le Christ n’y a d’yeux que pour eux.
© Photo en arrière-plan : Musée national du Badaud.