Après Une irritation de Bernard Desportes – sur lequel nous reviendrons -, Libr-critique se réjouit d’être également le premier à recenser comme il se doit un autre livre de cette Rentrée littéraire bis, ô combien livr-critique ! (Cela fait un bon moment que ce rituel-de-janvier ne nous a pas réservé pareille fête…).
Raharimanana, Za, éditions Philippe Rey, 2008, 301 pages, 19 €, ISBN : 978-2-84876-105-3
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Quatrième de couverture
Quelque part au milieu de l’océan, une terre, une île, des rues, des décharges, des plaines immenses et oubliées où se déroulent des tragédies. Quelque part toujours sur une terre dominée par les puissants, Dollaromane à leur tête, des tirailleurs, des femmes aux cheveux de paille, des ancêtres sur la piste de leur libido perdue. Entre la mémoire et l’actualité plane un temps brouillé où rien ne distingue les faits d’hier de ceux d’aujourd’hui.
Face à eux : Za, personnage démesuré à la recherche du corps de son fils emporté dans un ruisseau encombré de détritus, le "fleuve de cellophane". Sa femme est folle, lui-même a connu la prison, la torture. Il invective, demande pardon, s’humilie, s’esclaffe, chante, récite des poèmes. Za, gorgé de barbarie, est réduit à la seule liberté qui lui reste, une liberté immense qu’il brandit dans son désespoir : celle du langage, celle du rire.
Un roman d’une inventivité verbale inouïe, qu’on se surprend à lire avec une bien cruelle jubilation…
Avant-chronique
Avant même que le tout-venant ne soit déversé sur les étals, non pas tant des librairies indépendantes – en voie de disparition, hélas -, mais des chaînes commerciales tous azimuts, en quelques jours surgissent deux livrÉclats, de ceux qui vous coupent le souffle, ou mieux vous insuffle l’air vital qui ranime ou étouffe – c’est selon – les asphyxiés-de-la-littérature (les écrivaillons inaccoutumés à l’air raréfié des sommets ou tous ceux qui manquent d’oxygène en ces temps de littérature marchande), deux perles rares parce que étonnamment irrégulières (baroques, donc !) : l’une est offerte par une filiale de grand groupe qui n’a de cesse que de de se constituer un catalogue prestigieux (Fayard) ; l’autre, par l’un de ceux que l’on appelle "petits éditeurs" – Philippe Rey, que nous présenterons bientôt.
Ce second roman critique détone/détonne dès son titre : Za ! Son auteur, (Jean-Luc V.) Raharimanana, né en 1967 à Antananarivo (capitale de Madagascar), fait partie de ces Françafricains hantés par leurs origines, et plus précisément de ces rares écrivains qui soutiennent la comparaison avec celui dont ils se réclament, le mémorable Césaire : pour avoir vécu vingt-deux ans dans un pays classé parmi les PMA (Pays les Moins Avancés), s’être exilé en France avant de retourner en 2002 dans un enfer désormais total où son père est arrêté et torturé par le nouveau pouvoir, Raharimanana ne peut qu’être marqué à vif par une géographie magique/maléfique, l’histoire et la mythologie malgaches, l’histoire et la tradition familiales. D’où des pièces de théâtre [1]Le Prophète et le Président (1989) et Le Puits (1997). , des contes musicaux [2]Lépreux (1990), Le Tambour de Zanahary (2000-2001), Instants malgaches (2001), Milaloza (2004) et Lemahery et le caméléon (2006). et des récits [3]Un roman : Nour, 1947 (Le Serpent à plumes, (2001). Un récit : L’Arbre anthropophage (Gallimard/Joëlle Losfeld, 2004). Trois recueils de nouvelles : Le Lépreux et dix-neuf autres nouvelles (Hatier, 1992), Lucarne (Le Serpent à plumes, 1996) et Rêves sous le linceul (Le Serpent à plumes, 1998). qui font écho à la mémoire d’un peuple comme à sa littérature orale ; d’où la direction d’ouvrages engagés [4]Dernières nouvelles de la Françafrique (La Roque d’Anthéron, Vents d’ailleurs, 2003) et Dernières nouvelles du colonialisme (ibid., 2006). ; d’où une écriture incantatoire et onirique nourrie d’apologues.
Avec Za, pour la première fois, le lyrisme noir de Raharimanana est dominé par une ironie caustique qui lui permet de réinvestir singulièrement le récit excentrique.
Pingback: Libr-critique » [Chronique] La Zlangue de Raharimanana
ça a l’air hyper bien !
putain j’ai trop envie d’le lire !
merci pour cette découverte !
mais vous êtes là pour ça les gars…
c’est vrai que ça à l’air bueno! vous donnez envie…
Merci les gars, c’est vrai que le critique se réjouit quand il a réussi à donner envie de lire !
Bientôt, Sylvain, j’espère aussi donner envie de lire ton « Nihil, inc. »…
ah ben je comprends mieux pourquoi philippe émet des réserve quant au premier chapitre du tombeau
philippe rey
…
ah ah ah
…
commande de 3000 euros de gens qui aiment mon travail mais me demandent de faire du roman
ben voilà, on y est, vous l’avez votre roman!
bravo les gars !
ça chez philippe rey y aura pas de tombeau de pennequin
pas de danger !!!
mais pas de tombeau chez Al Dante, oui !!
ça n’a pas fait un pli, voilà toute la nuance, et elle est de tailles les mecs !!!
mais continuez de défendre ce genre de littérature, vous avez raison
vive les « petits éditeurs » ouais ! et continuez de pleurer sur la mort d’Al Dante, y en a qui ont même fait des rubriques pour qu’on vienne y poser des gerbes
Bravo
vivre Philippe Rey ! vive les petits éditeurs qui veulent du bon roman qui se vend
(je tiens à vous préciser que le précédent titre de la collection des tombeaux, écrit dans un style très journalistique, ne se vendait déjà pas, ceci explique cela et qu’on m’a laissé sans nouvelle assez longtemps, alors qu’il s’agissait d’une commande…)
MAIS AL DANTE AURAIT DU CONTINUE DANS SA FAILLITE CA VOUS AURAIT BIEN ARRANGE FINALEMENT
Qu’est-ce que tu dis Charles ?
C’est absurde, on fait partie de ceux qui défendaient al dante (cf. le nombre de chroniques de livres que j’ai pu aire) et qui continuent à les défendre (alors même que je pourrai par exemple personnellement dire que ce qui est arrivé à Meccano n’est pas très juste). Alors basta.
Par rapport à ce que je t’ai dit vis-à-vis de la première partie de Pas de tombeau, alors m^me que je trouve admirable ton approche, sa problématisation aussi vis-àvis de la possibilité d’expression, j’y reviendrai ultérieurement.
Seuls ceux qui ont lu « Za » peuvent parler en connaissance de cause… ZA, un roman à la mode ? qui se vend ? Aaahhh!! Aaahh !
Tout roman n’est pas un best-seller et n’entre pas dans une logique commerciale…
Je tiens ZA pour l’un des textes francophones les plus intéressants depuis une bonne année au moins – avec, mais c’est toujours risqué de faire ce genre d’affirmation, « Demain je meurs » de Prigent, « Une irritation » de Desportes, « Les Années » de Ernaux, « Nihil, inc. » de Courtoux, « Agonie-sous-Bois » de Buraud… sans oublier « La Ville est un trou », mais qu’on me pardonne si j’en oublie et si je n’ai pas tout lu…
Je précise que pour certains des textes majeurs, on ne se contente pas de les recenser, on écrit des articles de fond pour notre nouvelle rubrique sur le roman contemporain.
Au sujet d’Al dante, Philippe a répondu ; j’ajoute juste que je suis entrain de préparer des chroniques sur Buraud, Courtoux, etc.
Une fois encore tu t’emportes, Charles – et avec le recul tu sais déjà que ce que tu dis n’a rien de fondé…
rien de fondé ? ah bon ? tu n es pas dans ma tête, mais tu n as sans doute pas suivi laffaire
2000 ex vendu pour cet éditeur ce nest pas assez il nallait pas prendre le risque avec pennequin
voilà tout
et je peux te le prouver et cest pas pour rien que jai écrit ce début du livre
et avec le recul, comme tu dis, je le regrette pas, et de faire finalement chez laurent
cest très fondé ce que javance
Non, ça je ne savais pas, Charles… Mais oui, c’est super que Laurent, lui, t’aies publié !
Je disais rien de fondé pour l’auteur de ZA, Raharimanana… qui n’a pas fait gagner beaucoup plus à Philippe Rey…