Vincent Tholomé, The John Cage experiences, 8 solos, duos ou trios (avec choses), éditions Le clou dans le fer, 54 p. ISBN : 978-2-9526347-3-1, 11 €.
4ème de couverture :
Le point de départ : l’envie de tenter une expérience. Écrire un texte – un seul – où le hasard interviendra non comme thème mais comme élément structurant, nécessaire à la composition. Tout y sera tiré au sort : le nombre de phrases, ce dont elles parlent, etc. Puis : on se prendra au jeu. On écrira un autre récit. Puis un autre.
On se dira, mais oui, tout ça peut faire un ensemble. On complètera les choses. On tirera encore au sort le nombre de textes qui composeront l’ensemble. On retouchera à peine. Et puis voilà : 8 solos, duos ou trios. 8 textes à lire chez soi, pour soi, ou à porter en scène. En une fois. Par petits bouts. Seul, à deux, à trois.
Comme on voudra.
Chronique :
En 1952, lorsque John Cage,fait interpréter par David Tudor la pièce 4’33 », il lui donne trois instructions strictes à respecter, en tant que mise en jeu du silence qui permettra de faire surgir le hasard des croisements sonores de la salle. Tel qu’il le précise : » Composer, signifie seulement suggérer à l’interprète la possibilité objectivement réelle d’une action, c’est-à-dire ouvrir un espace de jeu ». Ce qu’introduit Cage dès le début des années 1950, et ceci suite à l’ouverture au YI KING permis par Daisetz Teitaro Suzuki, c’est la possibilité d’introduire du hasard maîtrisé dans la musique, de déterminer certaines ouvertures à la contingence grâce à des possibilités d’action que doivent accomplir un ou plusieurs intervenants. C’est ce qu’il fit avec Imaginary Landscape 4, mettant en oeuvre le jeu de 24 exécutants devant faire varier le son de douze postes de radio.
Le texte de Vincent Tholomé, le deuxième qu’il publie aux éditions Le clou dans le fer, reprend le même mode de création, le croisant avec la vie de John Cage. Ainsi, chacune des 8 parties du texte a pour leïtmotiv une action que doit faire le musicien ou un équivalent. Ici on retrouve la logique même des annotations de Cage : « L’œuvre peut cependant être exécutée par n’importe quel instrumentiste ou combinaison d’instrumentistes et sur n’importe quelle durée. »
Toutefois, plus que cela, si on fait attention aux indications que donnent en 4ème de couverture Vincent Tholomé, il ne s’agit pas seulement d’une représentation du travail de Cage, mais il s’agit aussi de reproduire, littérairement et donc littéralement, l’expérience du hasard agencé que faisait Cage dans ses créations. Lorsque l’on lit cette suite, si on peut être pris par la rythmique du texte, il est important de voir que les agencements verbaux au niveau des phrases sont liés à une forme de composition aléatoire due au hasard :
« Joyeusement au salon. Ne remarque. Debout. Debout. À droite de merce c. L’ami fidèle. John Cage a une bouteille à la main. Et. Disons. Il marque comme un. Oui. Certains. Temps d’arrêt. Tant. Tout à coup. Quelque chose. À tout le moins. À tout le moins. Le frappe »
La combinatoire et les séries qui s’enchaînent tout au long des 8 textes obéissent à des coupures qui sont alors liées à un découpage, tirage, emboîtement, qui déterminent le processus textuel.
Cette contrainte, loin de fermer le texte, par le hasard qui opère en elle, le libère et lui donne sa nature propre, les phrases venant claquer, devenant par moment même des percussions. La musicalité réelle de cette suite en 8 mouvements de Tholomé obéit alors tout à la fois, au processus intentionnel de phrases choisies, et à la contingence des hasards.
Cette logique d’écriture permet à Vincent Tholomé d’écrire sur John Cage et plus particulièrement sur l’année 1935 en tant qu’année d’ouverture aux expériences musicales pour ce dernier. Les 8 textes sont en quelque sortes 8 stations progressives qui se succèdent dans le temps et qui font écho aux élaborations formelles et musicales du musicien et ceci à partir de son existence : le désert d’Arizona, la chambre d’hôtel avec la future mme cage, le magasin acmé, où John Cage expérimente le silence, « passant sa langue au trou noir » et inaugurant ainsi sa nature profonde, les forêts du Minnesota, et l’expérience de la radio, et d’un air de Louis Amstrong, le corset de mme cage et l’expérience du miroir dans un nouvel appartement où ils ont emménagé, une visite chez le médecin, où il découvre par la combinatoire des chaises, des patients qui attendent et des journaux disposés sur la table d’attente, « les possibilités musicales » liées à un tel dispositif, un geste déplacé, lors d’un apéritif avec merce c., trois instructions à suivre à la lettre, qui lui font expérimenter avec une camionnette les futurs dispositifs de compositions musicales, notamment les trois instructions qu’il donnera à Tudor pour 4’33 ».
Ce texte de Vincent Tholomé, une expérience littéraire originale à découvrir, permet de s’introduire d’une nouvelle manière dans la logique de création musicale de Cage.
c’est cool d’avoir des nouvelles de vincent t. avec ce texte qui a l’air très bien…