Petit Manuel de Prostitution Sociale
(à l’usage des travailleur précaires)
éd. Terre Noire, 2 rue E.Millaud, 69004 Lyon, 68 pages, 4 €. www.chez.com/terrenoire
[partenariat Libr-critique et 22(Montée) des poètes]
Fuir fuir les livres glacés genoux dos carré collé sinon t’auras pas ta subvention plein le dos pas très carré les cervicales pas très calées des rayons bien léchés bien rangés des bouquins pas beaux pour de vrai pas cornés pas tripatouillés fuir fuir tout ceux-là cela et entrer au Grand Guignol rue de Sergent Blandan en bas des pentes à Lyon avec Loïc et Marco et réciproquement en total amateurs de bières vins rouges et librairie débordante de rayons de bouquins partout sur la tête alouette au plafond un jour des bouquins vrais de vrais tout à bouffer du bouquin pas galette galette mais disque compact et vinyle aussi et puis toujours un quelque chose en soirée.
Découvertes toujours dans les rayons toujours quelques de poésie + poésie + poésie = poésies tomber dessus entre debord hubaud molnar surya heidegger tomber sur ce « Petit Manuel de Prostitution Sociale (à l’usage des travailleurs précaires) », je n’ai pu que me jeter avidement dessus, non sans oublier de piétiner rageusement au passage mon prochain – concurrent à cette acquisition formidable.
« Petit Manuel de Prostitution Sociale (à l’usage des travailleurs précaires)» est publié par les lyonnais de Terre Noire, plutôt porté vers la BD indépendante/alternative, et chez qui il faut sérieusement aller voir creuser : ainsi dernièrement les deux très beaux ouvrages, faisant suite à un voyage au Vietnam, de Valérie Berge (« Vertiges & Nausées ») et Lionel Tran (« Cahier du Vietnam »).
Notons d’ailleurs de suite que ce petit manuel ne coûte que 3,50 euros et fait partie de la collection NO PRESENT (handmade by unemployed people) dans laquelle on trouvera aussi «Autobiographie» de Bernard Monti ou encore « Chronique de la guerre économique ».
Grinçant absolu savoureux désespéré et rant le « Petit Manuel de Prostitution Sociale (à l’usage des travailleurs précaires) » vous emmènera là où vous n’auriez jamais cru aller : en plein retords de l’humain, cet être dit social tant que l’on peut exploiter l’autre. Une introduction (à sec) dans la nécessité qu’est le travail précaire pour notre bonne si bonne société industrielle, mais non plus sans concession pour le travailleur précaire lui-même. Grinçant absolu savoureux désespéré et rant, allez-y c’est du bon bien en bouche en cuisse et goût poivré derrière le fruit du gouleillant raclures et l’après-fut avec coup de bambou inattendu derrière les oreilles.
Des pages très visuelles rayées de codes barres nous promenant de « envie sourde. / irrationnelle. / incontrôlable. / crever leurs yeux. » à « s’ouvrir les veines / se trancher la gorge. / s’immoler. / « allez remue-toi un peu ». De « au début, on se dit que ça se passera bien » à « chairs mortes. / espoirs désintégrés. / viande froide. / en sursis. / d’autres feront la même chose. / / finir comme une merde. / sur le trottoir. »
En pages de sortie, ce manuel nous propose quelques conseils pratiques de survie absolument indispensables :
« ne vous dites plus ça va aller : répétez-vous j’en ai assez. / Ne pensez plus j’ai tout raté, dites-vous je me fais baiser. / remplacez progressivement le sentiment de culpabilité par la colère. / Vous avez des capacités : luttez »