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[News – chronique] « Gallimerde » versus Publie.net, ou la Bataille du numérique…

février 19, 2012
in Category: chroniques, News, UNE
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En collaboration avec le talentueux dessinateur Joël Heirman – que nous remercions une fois de plus –, revenons sur cette affaire qui enflamme le champ éditorial depuis vendredi : la guerre du numérique entre dans sa phase active.

Les faits : vendredi 17 février 2012, Gallimard demande à François Bon de retirer de son site Publie.net sa nouvelle traduction du Vieil Homme et la Mer d’Ernest Hemingway, ce qu’il fait aussitôt, non sans faire part de son indignation sur Twitter, invitant même tous les amateurs qui le peuvent à venir dénicher dans ses poubelles les 75 kilos de Pléiade qu’il vient d’y jeter… L’affaire n’a duré que dix minutes, comme l’intéressé le signale ce matin sur son blog Le Tiers Livre, où il analyse la situation avec brièveté et lucidité.

Les réactions en chaîne sur le Net sont symptomatiques : protestation contre "Gallimerde" sur Twitter, pétition sur le blog du Monde, nombreux posts et commentaires sur de nombreux blogs… [On lira l’article synthétique sur ebouquin]

Aux plans juridique et économique, les choses sont claires : Gallimard, qui possède les droits sur l’œuvre de Hemingway jusque 2031, n’a perdu que la recette des 22 exemplaires ayant pu être vendus sur Publie.net en si peu de temps…

Du point de vue littéraire et stratégique, ce différend mérite réflexion. La façon cavalière dont l’illustre Maison s’y est prise, forte de son poids institutionnel, symbolique et économique, est révélatrice de l’enjeu : ayant pris du retard comme les autres "majors" dans l’inévitable mutation numérique, Gallimard ne peut que voir d’un mauvais œil une entreprise comme Publie.net. Depuis 2008, Publie.net, c’est un savoir-faire, un catalogue et une autre politique éditoriale : François Bon publie, sinon une nouvelle génération, du moins une nouvelle catégorie d’écrivains (des "e-auteurs" ?), auxquels il offre 50 % de droits d’auteur – là où Gallimard a fait signer à ses auteurs un avenant aux contrats classiques, leur proposant des conditions… classiques (droits d’auteur entre 10 et 15%). Ne pouvant recourir à l’arme technologique (Amazon et son Kindle), Gallimard riposte avec ses moyens propres : l’hégémonie que lui confèrent sa position de monopole concernant les droits de grands auteurs et son attractivité historique (quand l’édition numérique sera devenue majoritaire, quel auteur résistera aux appels d’offre du géant Gallimard ?).

Comme dans toute la sphère des "biens culturels", la législation n’est pas adaptée : un Marché dit libre peut-il interdire de disposer en édition numérique d’une nouvelle traduction d’un chef-d’œuvre ? François Bon l’a faite… Gallimard la mettra-t-elle en ligne ? ou, plus vraisemblablement, rééditera-t-elle celle, datée, de Jean Dutourd ? Quel progrès ! Et à quel prix ? La question n’est pas seulement d’ordre marchand : ce qui est en jeu, c’est le droit à la différence et à l’indépendance.

Pour notre part, nous vous invitons à explorer la planète Publie.net, qui, non seulement vous permet de télécharger des anciens et des modernes à des prix modiques, mais surtout bouleverse la notion même d’"œuvre", puisque le texte n’est pas enfermé dans une forme définitive, évoluant de version en version. (Très bientôt sur LIBR-CRITIQUE, seront évoqués des récits majeurs de François Bon et de Joachim Séné dans un article sur les représentations du monde du travail dans les fictions narratives actuelles).

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Fabrice Thumerel

Critique et chercheur international spécialisé dans le contemporain (littérature et sciences humaines).

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1 comment

  1. julien blaine

    Gaston
    Claude
    Antoine
    Antoine a-t-il des enfants ?
    Sinon Gallimard c’est foutu ! (enfin…

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