Avant que de revenir sur les rapports entre poésie, musique et chanson dans un très prochain article, l’actualité nous donne l’occasion de faire une excursion du côté d’une forme poétique populaire, le slam.
► À mi-chemin entre poésie, rap et musiques électroniques, le slam s’est développé en France à la fin du siècle dernier grâce au film de Marc Levin (Slam, 1997, avec Saul William) et à des sites comme www.slameur.com, www.ffdsp.com, www.spokevousparle.com, etc. La dimension critique de cette poésie rythmique atteint son paroxysme avec NEGRE S (Périplans, 2006) de Julien Delmaire, déjà reconnu à trente ans comme l’un des slameurs français les plus singuliers. Mêlant histoire du peuple noir et histoire familiale, jazz et musique Electro, NEGRE S est un «chant de rédemption» écrit à la mémoire des suppliciés ; mais le registre élégiaque cède souvent le pas à la diatribe, dont la principale cible est la domination française, coloniale et postcoloniale, avant que le poème-fleuve ne finisse par exalter une négritude différente de celle clamée par Césaire : la négritude universelle des dominés, c’est-à-dire des laissés-pour-compte de l’impérialisme néo-libéral.
► Du 20 au 22 mars 2009, on ne manquera pas à Lille, au carrefour entre spectacle et poésie, le festival de Slam Poésie francophone LILLE, Moulin à Paroles, organisé par le Collectif On A Slamé Sur La Lune, OLP (organisation de Libération de la Parole) qui regroupe slameurs poètes, musiciens, acteurs, metteurs en scène, vidéastes et performers avec une solide expérience et qui ont choisi de s’associer pour promouvoir leur art. La plupart sont professionnels ou en voie de professionnalisation, animant des ateliers d’écriture et d’expression scénique, organisant des scènes ouvertes, des festivals, ou multipliant les performances.
On y retrouvera avec plaisir Julien Delmaire (auteur de Nègre S) et Marc Alexandre, lequel vient de lancer avec son A. D. N. (Afriques Diaspora Négritude) sa micro-maison d’édition PO-ÉTHIQUES.
Barraca ZEM : 38, rue d’Anvers à LILLE.
► Marc Alexandre OHO BAMBE, A.D.N. Afriques Diaspora Négritude, La Plume de l’Ange / éditions PO-ÉTHIQUES, 2009, 170 pages, 15 €, ISBN : 978-2-95-33-125-08.
"Qu’est-ce qui fait la civilisation d’un continent ? ou d’un peuple ?" (p. 94)
A.D.N. Ces trois lettres de sang n’ont de cesse que de célébrer l’Afrique, "le continent le plus riche en dictatures et en pauvreté" (Kourouma, p. 93) :
"Afrique sans fric
Afrique tragique
Mais
D’évoquer les Afriques – continent et communautés disséminées de par le monde –, la Négritude, les "soleils noirs" (poètes, jazzmen, etc.) ainsi que tous les dominés de la Terre ("Déjà mort"). Un passage rend compte précisément du titre : "La liberté / Inscrite dans nos gènes indigènes / Et notre A.D.N" (143). Et cet A.D.N témoigne du métissage des cultures, faisant appel au très français "Temps des cerises" pour exprimer la révolte :
"Laissez-moi rêver et hurler
MA NÉGRITUDE, MA TIGRITUDE, MON AFRITUDE
Après le temps des raisins de MA colère,
VOICI VENU LE TEMPS DES CERISES" (163).
Mosaïque de poèmes-cris, de micro-récits, de citations ou courts textes signés Césaire, Glissant, Kourouma ou encore Mettelus, et aussi de superbes photomontages, A.D.N est un texte au souffle lyrique et parfois épique qui nous confronte à notre passé colonial ("Lettre à France"). Et cette dynamique n’est pas exempte de trouvailles stylistiques : gradation et homéotéleute tragiques ("Des populations dépassées déplacées chassées pourchassées assassinées", p. 18) ; antithèse saisissante ("Des nouveaux nés nouveaux morts", p. 21) ; syllepse critique ("Je suis un artiste intègre qui ne s’intègre pas", p. 32) ; mots-valises provocateurs ("milichiens", "coloniquer", etc.)…
Pour décoloniser nos esprits, le griot inspiré joue ici son double rôle de professeur d’espérance et d’agitateur de consciences.
Ce commentaire vise simplement à éclairer une ambiguité qui à mon sens pourrait devenir pesante. Je suis l’auteur en effet du livre Nègres qui ne se résume pas uniquement à une diatribe acerbe contre le néolibéralisme et qui dévelloppe une conception de la négritude très proche de celle de Césaire qui dans le Cahier déjà se situait dans un au-delà de la race « je suis un homme juif, un homme cafre, l’homme hindou de Calcutta, l’homme de Harlem qui ne vote pas… ». Je voudrais surtout préciser un point j’ai fait paraître en 2007 aux Editions l’Agitée un ouvrage intitulé AD(E)N écrit en résidence à la Maison Arthur Rimbaud de Charleville Mézières. Cet ouvrage vient d’être selectionné pour le prix des Découvreurs 2009. En 2008 parait un ouvrage écrit par Marc Alexandre Oho Bambe intitulé « ADN » qui s’apparente à de la slam poésie lui aussi. Je voudrais donc préciser que d’une part le livre AD(E)N a été publié plus d’un an avant la parution de l’ouvrage ADN et que de plus l’auteur Marc Alexandre Oho Bambe était en possession de mon livre dès sa parution et ne pouvait donc pas en ignorer l’existence. Marc Alexandre Oho Bambe et moi nous connaissons bien et avons cheminer ensemble dans une perspective de diffusion de notre art commun le slam. Mais je dois dire que le titre qu’il a choisi pour son livre me semble à la limite du plagiat et que si par respect pour lui et par refus de toute logique procédurière je me refuse a aller plus loin sur le plan juridique, je n’en trouve pas moins que ce titre pose un vrai problème d’éthique et qu’il ne peut s’agir d’une coïncidence. Ce commentaire consititue donc une simple mise au point et je n’ai pas d’avis concernant la qualité du livre ADN qui par ailleurs est un livre sensible et juste.
Cordialement Julien Delmaire
J’en profite alors pour faire une mise au point n°2, car parler de slam et d’ADN sans parler de Saul Williams, rôle principal du film « Slam » (1998), SW est considéré comme un des pionniers ou représentants du mouvement slam. En 2007 il sort le titre « DNA » tiré de l’album sorti en novembre 2007 « The Inevitable Rise and Liberation of NiggyTardust! », un album dont ni vous ni MA Oha Bambe ne pouvait ignorer l’existence… (même si le sujet de sa chanson et celui d’AD(E)N n’ont rien à voir, Saul Williams pouvait-il ignorer la sortie de votre livre?)
Tout ça pour dire que le titre que vous avez choisi, vous tous, est à la limite du plagiat. Cependant je cherche encore à savoir qui a plagié qui…?
Suite à ces deux commentaires, deux remarques :
* le projet et l’écriture de Marc OHE BAMBE étant singuliers, il n’est pas plus redevable à Saul Williams ou Julien Delmaire qu’à ceux qui ont révolutionné la génétique ;
* ces rivalités claniques et ces querelles d’appropriation attestent bien que le slam est en voie d’institutionnalisation…
À tous les intéressés, que nous remercions au passage, nous répondons que l’on peut encore trouver ADN à Lille (Librairie L’Harmattan et Furet du Nord) – ou en le commandant : onslamesurlalune@gmail.com…