Qu’en est-il de la critique génétique, un demi-siècle après sa naissance institutionnelle ? Genèse, pratiques et nouveaux horizons de la critique génétique… RV à l’ENS pour un Congrès international qui se terminera samedi soir, puis un séminaire doctoral qui début le 9 novembre prochain.
Congrès international du cinquantenaire de l’Institut des textes et manuscrits modernes
La critique génétique comme processus.
(1968-2018)
Paris, École normale supérieure, Bibliothèque nationale de France, 17-20 octobre 2018
En 1967, la Bibliothèque nationale acquiert les manuscrits du poète Heinrich Heine. Et dans un même geste, le CNRS crée en 1968 une équipe de recherche pour inventorier, décrire et exploiter ce fonds, tandis que l’École normale supérieure met aussitôt un bureau à la disposition de la jeune équipe.
À partir de 1974, avec la création de l’équipe Proust, la formation CNRS se transforme en Centre d’Histoire et d’Analyse des Manuscrits Modernes (CAM). Elle ouvre son champ d’application à d’autres corpus français et étranger avec l’arrivée des équipes Zola, Flaubert, Valéry, Nerval-Baudelaire, Joyce, Aragon et Sartre. En 1979, les Essais de critique génétique sont le premier manifeste collectif de ce nouveau domaine d’étude. Depuis 1982, date de sa création en laboratoire propre du CNRS, l’Institut des textes et manuscrits modernes (ITEM), aujourd’hui unité de recherche du CNRS et de l’École normale supérieure, n’a cessé de se développer en France et à l’étranger.
Analyser le document autographe pour comprendre les mécanismes de la production littéraire, artistique et scientifique, élucider la démarche de l’écrivain, du savant, du penseur ou de l’artiste et les procédures qui ont permis l’émergence de l’œuvre, élaborer les concepts, méthodes et techniques permettant d’exploiter scientifiquement le précieux patrimoine que représentent les documents conservés dans les collections et archives, telle est la mission fondamentale de l’ITEM.
Le congrès international du cinquantenaire sera l’occasion de dresser un bilan des avancées de la critique génétique et d’explorer les promesses d’avenir de cette discipline qui a su conquérir une place de premier plan parmi ses sœurs aînées, les sciences du texte.
► JEUDI 18 OCTOBRE 2018 : École normale supérieure, Salle Dussane
Session 1 : Théorie, genèses
Modération : Daniel Ferrer (CNRS-ITEM), Nicolas Donin (IRCAM), Nathalie Ferrand (CNRS-ITEM)
9h30 Dirk Van Hulle (Université d’Anvers et Jesus College, Oxford) : Critique génétique à l’ère du numérique : Vers une histoire comparative du brouillon littéraire
10h25 Charlotte Guichard (CNRS-IHMC) : L’histoire de l’art à l’épreuve de la critique génétique. La main dans la peinture des Lumières
11h20 Pause café
11h35 Pierre-Michel Menger (Collège de France) : Le travail comme catégorie de la génétique
12h30 Pause déjeuner
Session 2 : Nouveaux horizons
Modération : Anne Herschberg Pierrot (Université Paris)
14h30 Nicholas Cronk (Université d’Oxford), Nathalie Ferrand (CNRS-ITEM), Pierre Musitelli (ENS-ITEM), Le nouvel horizon des manuscrits d’Ancien Régime
15h30 Paolo D’Iorio (CNRS-ITEM), Génétique philosophique
16h10 Pause café
16h30 Dominique Combe (ENS) et Jean Khalfa (Université de Cambridge), Généalogies et avatars de la négritude
17h10 Pierre-Marc de Biasi (CNRS-ITEM), Génétique des arts visuels
17h50 Michel Espagne (CNRS-Pays germaniques, Labex TranferS), Réflexions sur les transferts entre disciplines et entre pays
18h20 Discussion générale
► VENDREDI 19 OCTOBRE 2018 : École normale supérieure, Salle Dussane
Session 3 : Génétique dans le monde
Modération : Olga Anokhina (CNRS-ITEM), Fatiha Idmhand (Université de Poitiers et ITEM)
9h30 Claudia Amigo Pino (Universidade de São-Paulo, Associação de Pesquisadores em Crítica Genética), Défis et enjeux de la critique génétique au Brésil
10h10 Graciela Goldchluck et Delfina Cabrera (Universidad nacional de la Plata), La critique génétique en Argentine
10h50 Kazuhiro Matsuzawa (Université de Nagoya), Train de nuit dans la Voie lactée de Kenji Miyazawa : les origines de la critique génétique au Japon
11h40 Pause café
12h00 Bodo Plachta (Arbeitsgemeinschaft für germanistiche Edition), Komm ins Offene, Freund! – La critique génétique en Allemagne
12h40 Paola Italia (Università degli Studi di Bologna), Alle origini della « Critica degli scartafacci». Aux origines de la critique des brouillons
13h20 Pause déjeuner
Session 4 : Supports et traces
Modération : Jean-Gabriel Ganascia (Université Pierre et Marie Curie)
Préambule : Jean-Louis Lebrave (CNRS-ITEM), La codicologie hier, aujourd’hui et demain : du codex au disque dur
15h10 Claire Bustarret (CNRS-Centre Maurice Halbwachs), Enjeux de l’expertise codicologique moderne et contemporaine : ce que le papier fait au travail de l’écrit; Jean-Sébastien Macke (CNRS-ITEM), Les supports et instruments d’écriture des écrivains vus par eux-mêmes
15h50 Thorsten Ries (Université de Gand), The challenge of born-digital : the critique génétique and digital forensics
16h30 Pause café
16h50 Aurèle Crasson (CNRS-ITEM), Jean-Louis Lebrave (CNRS-ITEM), Nathalie Léger (IMEC), Jeremy Pedrazzi (CNRS-ITEM), Thorsten Ries (Université de Gand), Genetic Forensics, analyser les disques durs de Jacques Derrida
18h10 Stéphane Reecht (BnF), Conserver le support, conserver l’information : des défis pour les institutions patrimoniales
18h50 Discussion générale
20h30 Conférence-concert de génétique musicale. (Salle des Actes) : Catherine David (écrivaine, musicienne) et William Kinderman (Université de l’Illinois)
► SAMEDI 20 OCTOBRE 2018 : INHA– Auditorium Colbert, Galerie Vivienne
Session 5 : Grands corpus de la Bibliothèque nationale de France
Présentation exceptionnelle de chaque corpus, sous forme de dialogue entre un chercheur et un conservateur de la BnF.
Matinée présidée par Isabelle le Masne de Chermont (BnF)
10h00 Jean-Marc Hovasse (CNRS-ITEM), Thomas Cazentre (BnF), Victor Hugo11h00 Olivier Lumbroso ( Université Paris-Sorbonne nouvelle), Guillaume Fau (BnF), Émile Zola
13h00 Pause déjeuner
Après-midi présidée par Jacques Neefs (Johns Hopkins University)
14h30 Franz Johansson (Université Paris-Sorbonne), Olivier Wagner (BnF), Paul Valéry
15h30 Luc Vigier (Université de Poitiers et ITEM), Marie Odile Germain (BnF), Louis Aragon
16h30 Irène Fenoglio (CNRS-ITEM), Émilie Brunet (IRD), Émile Benveniste
Conclusion de la journée et du colloque :
Présentation au public dans la salle de lecture du département des Manuscrits de la BnF d’un second ensemble de manuscrits originaux provenant des six corpus, sous forme de mini-expositions éphémères.
SÉMINAIRE DOCTORAL GÉNÉTIQUE DES TEXTES ET DES ARTS : THÉORIES ET PRATIQUES
La génétique apparaît dans le panorama intellectuel et littéraire des années soixante-dix ; elle est aujourd’hui reconnue comme l’une des principales innovations critiques des trente dernières années dans les méthodes d’analyse scientifique de la littérature et de la création. En tant qu’approche de l’œuvre in statu nascendi, reposant sur l’analyse, pour reprendre la formule de Louis Aragon, non de « l’écrit figé par la publication », mais du « texte en devenir, avec ses ratures comme ses repentirs », elle s’intéresse aux processus de la création, qu’elle hiérarchise, explique et étudie.
Longtemps associée à l’étude des manuscrits de Zola, de Proust, de Flaubert ou de Valéry, la génétique connaît aujourd’hui une vaste extension de son champ de recherches, dont acte le volume collectif L’Œuvre comme processus, dirigé par Pierre-Marc de Biasi et Anne Herschberg Pierrot. Depuis une dizaine d’années, elle s’ouvre progressivement à ces nouveaux territoires que constituent les littératures étrangères, mais également les arts plastiques.
Organisé avec le soutien de l’Institut des Textes et Manuscrits, du laboratoire d’Études romanes et de l’équipe « Littérature, histoires, esthétique » de l’Université Paris VIII, le séminaire doctoral « Génétique des textes et des arts : théories et pratiques » se propose de rendre compte de l’extrême vitalité d’une telle méthodologie. Des acteurs reconnus du monde de la recherche seront invités à dialoguer avec des doctorants ou de jeunes docteurs, à présenter leurs travaux ou leurs réflexions ayant trait à la pratique et à la théorie de la critique génétique.
Les séances du séminaire, consacrées, à part égale, à la littérature française, à la littérature hispanique et à l’histoire de l’art, se dérouleront, un vendredi par mois, de 16h à 19h, à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, et ce à partir du 9 novembre 2018. Ouvertes à tous les publics, elles auront à cœur de faciliter échanges, débats et rencontres entre des universitaires issus d’horizons disciplinaires différents, mais soucieux de partager leurs pratiques de recherche.
Étudier le labyrinthe dans lequel tout écrivain ou artiste se voit contraint de s’engager, découvrir les faiblesses, les hésitations, les corrections, le refoulé, de chaque » créateur « , autrement dit sa catabase, avant la remontée à la lumière et, pour les quelques élus de l’art, la statue parfaite de l’oeuvre, est un métier passionnant qui montre l’humanité et la sauvagerie de nos imaginaires, champs de bataille de nos idéaux et de nos pulsions.