Baisse de la dotation de l’État aux collectivités territoriales, qui, par ricochets, diminuent les subventions aux divers projets culturels (la « culture », c’est connu, ce n’est pas vital)… Baisse du budget du Ministère de la Culture et crédits d’impôt aux investisseurs privés… Plus encore depuis un an et demi, c’est la même logique, illibérale parce qu’ultra-libérale, qui tend vers l’humoins.
Un micron politique au service des as[tres] de la Finance, un vendeur de Carpet Land qui déroule le tapis devant les puissances d’argent… Stop !
Les artistes qui depuis des années ont flirté avec les fondations diverses peuvent se réjouir : ils ont bien été à l’avant-garde… de la Collaboration !
Ce soir à 18H, tous avec Khiasma, dont nous relayons le communiqué ! Et sauvons un éditeur de poésie comme Propos2, dont nous reproduisons la Lettre ouverte à la région PACA…
[On pourra lire Antoine Pecqueur, « Le « capitalisme culturel » à l’assaut du spectacle vivant », Le Crieur, Mediapart – La Découverte, n° 11, octobre 2018, p. 136-151.]
Vive Khiasma !
Chers ami.es, allié.es, artistes, partenaires et soutiens,
En ma qualité de présidente, j’ai le regret d’annoncer que l’association Khiasma va cesser son activité à la fin du mois d’octobre. La situation financière très dégradée de la structure nous pousse à prendre, en accord avec l’équipe, une décision difficile qui nous attriste tous. Depuis deux années et des coupes brutales de certaines de nos subventions, l’équipe de Khiasma s’est battue pour inventer de nouvelles manières de faire et de fabriquer son activité en accord avec son identité et le sens du partage de la culture qui la caractérise. Mais aujourd’hui il est clair qu’il nous est impossible de rattraper un déficit structurel qui empoisonne notre quotidien.
Créée en 2001 pour penser et réaliser des projets artistiques et culturels avec les habitants du Nord-Est Parisien, Khiasma a ouvert son espace de rencontre et de diffusion au 15 rue Chassagnolle aux Lilas en 2004. Depuis lors, beaucoup d’artistes sont passés par là, présentés souvent très tôt dans leur carrière, beaucoup de gens, du proche et du lointain, sont venus débattre et découvrir avec nous, partager un film, des images, un repas, un atelier.
La disparition de Khiasma c’est la perte d’un geste singulier, celui d’une exigence artistique jamais démentie associée à une véritable hospitalité pour des paroles fortes ou fragiles, une indépendance un peu insolente qui a grandi sur le terreau fertile de la Seine-Saint-Denis, avec l’aide de ceux et celles qui y vivent et le traversent.
Un lieu ouvert sur la vie, les bonnes et les mauvaises nouvelles d’une époque, d’un territoire. À un moment où le populisme gagne du terrain et fait fléchir la démocratie, où la culture devient lentement le jouet des fortunés plutôt qu’un bien commun et une pratique de partage, ce n’est pas une bonne nouvelle.
Mais à ce moment précis, je pense à tous les jeunes professionnel.les que nous avons formé.es et auxquel.les nous avons offert de l’envie, des savoirs et du soutien, aux artistes et écrivain.es que nous avons accueilli.es, à ceux qui ont pu pratiquer et découvrir des formes, des mondes, des écoliers et écolières aux familles du voisinage, des étudiant.es aux jeunes migrant.es, à toutes celles et ceux qui ont pu fabriquer avec nous un lieu qui a fait société au-delà de l’économie de la peur. Je pense aussi à toutes celles et ceux qui nous ont soutenu toutes ces années et les en remercie sincèrement. Je me dis enfin que nous avons fait notre part, que nous ne nous sommes pas économisés et qu’il en restera forcément quelque chose, quelque part, pour ceux et celles qui vont nous suivre.
Au nom du Conseil d’Administration de Khiasma, de son équipe, je vous dis donc au revoir et à bientôt en vous donnant rendez-vous le samedi 20 octobre à 18H00 à l’Espace Khiasma pour un discours de clôture et une soirée conviviale.
Aline Caillet, présidente de Khiasma
Soutien aux éditions Propos2
Lettre ouverte à Monsieur le Président du Conseil Régional PACA
Monsieur le Président,
Propos2éditions est né au sein de l’association Propos de campagne, association destinée dès sa création à faire vivre des publications littéraires et plus particulièrement la poésie.
Ainsi fut créée la revue Propos de campagne.
C’était en 1993.
Puis, respectant avec logique notre démarche, des collections furent constituées afin de donner à lire (et à voir, la composante plastique n’ayant jamais été oubliée) de nouvelles voix (et d’explorer de nouvelles voies).
Donc depuis 25 ans, la Région PACA nous a suivi dans cette action compliquée, audacieuse, risquée qu’est l’édition de poésie.
Et il n’est pas exagéré de dire ici, l’édition de création, tant au cours de toutes ces années, les découvertes furent riches et nombreuses.
Le choix de constituer un catalogue d’auteurs maintenant reconnus, d’être pionnier afin d’ouvrir des brèches sur l’avenir, nous a donné un particularisme considéré longtemps comme incontestable.
Depuis la création, c’est près de 130 titres publiés et de nombreux écrivains révélés.
Las, malgré une présence jamais démentie sur les salons, un nombre toujours croissant de lectures d’auteurs dans divers lieux et particulièrement les librairies, malgré un nombre de commandes spontanées de la part de ces dernières. Malgré la création de rencontres nouvelles et originales telles que Figue(s) que nous avons imaginées et que nous continuons à faire vivre aux quatre coins de la région PACA et au-delà. Malgré un site/boutique Internet permettant, faut-il le dire, de belles visites. Malgré nos efforts par bien d’autres canaux, il nous est impossible d’assurer la sortie annuelle de 7 ouvrages sans aide.
Voilà donc 25 ans que la Région nous assiste dans ce travail et, depuis plusieurs années, forts de la confiance dans ce « soutien », nous ne sollicitions pas d’autres organismes.
Cette année, en 2018, décision est, semble-t-il (nous n’en avons pas été informés officiellement), prise de ne pas nous aider à continuer cette tâche.
Votre choix (c’en est un puisque pour d’autres structures, des subventions, parfois conséquentes, ont été votées) nous condamne à envisager l’arrêt des publications alors que des projets sont en cours et ne pourront être réalisés.
L’expression KO debout me vient, car ce n’est pas seulement 25 ans de travail qui est balayé, mais un sentiment d’injustice et d’humiliation accompagne votre décision qui écrit sans doute le dernier chapitre de notre histoire.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président, l’expression de notre très haute considération.
Michel Foissier, propos2éditions