Ce soir, une UNE exceptionnelle, avec un texte de Claude Favre en écho à celui de Fred Griot paru dimanche dernier, "Je ne me tairai plus". Suivent des Libr-événements à noter : Lionel Marchetti à Metz ; Pascal Bavencove, Jérôme Leroy, Gérard Streiff et Fabrice Thumerel à Lille ; Laurent Grisel à Fontenay-sous-Bois.
UNE : Claude Favre, "Je ne me suis jamais tue", en écho au texte de Fred Griot
Je ne me suis jamais tue, combattant dès l’enfance et l’adolescence les peurs qui mènent les hommes, qui les font se regrouper en se pensant forts à humilier, nier, faire souffrir un autre, tête de turc on disait, c’était souvent vouloir faire mal. J’ai croisé, côtoyé au sein de foyers dits d’accueil de jeunes gens sensibles, parfois courageux, parfois lâches, qui deviendront légionnaires, ou nazillons, des adolescentes parfois gaies, parfois cruelles, jalouses de tout qui ne pensaient qu’à être mères, des adultes menés par les trouilles, la peur surtout d’être libre, le besoin apeuré de confort, la peur de vivre, de mourir, de laisser sa place aux autres, et me suis battue à en recevoir des coups, à voler de la nourriture pour des petites camarades terrorisées et finir à la cave, souillée, à faire l’objet d’un viol collectif de "représailles", à ne jamais me taire devant la moindre injustice, qu’elle me concerne ou pas, c’est-à-dire à faire que mes actes soient en conformité avec mes paroles, sinon nos exaltations ne sont que pommade pour belles âmes. Je n’ai pour ma part plus d’âme, juste un corps foutu, et grand merci une grande gueule qui demande solennellement, afin que nous puissions oser faire des enfants, soi-même ne pas rejeter l’autre parce qu’il y a désaccord, incompréhension, fatigue, ne pas nier l’existence de quelqu’un (je l’ai vécu à ma petite échelle par rapport à l’histoire sans nom des terreurs, exterminations, ce n’est rien à côté, incomparable, juste pour moi un rappel jour et nuit d’un devoir de justice, en étant rejetée, battue, oubliée, affamée, humiliée, violentée, déshumanisée puis plus tard niée dans mon travail pour m’escrimer bien sûr maladroitement à dire ce que je fais et faire ce que je dis. J’ai trouvé dans le monde poétique les mêmes sentiments malsains, peurs, jalousies, mesquineries, méchancetés, lâchetés, prétentions, et négation de l’autre (dans sa forme seulement amorcée mais…), aussi solennellement je demande pour avoir encore envie de faire partie de l’humanité, pour pouvoir croire en ces mots que nous disons tous en ces heures malsaines, que nous nous tendions la main, Fred, sans justifications, sans reproches, peut-être même avec le sourire, pour ne pas commencer nous-mêmes par exclure, au-delà des mots d’altérité, d’empathie, sans prétendre recoudre le tissu déchiré de l’amitié, juste par humanité. J’ai longtemps pensé ne pas faire partie de l’humanité, tu le sais mieux que personne, et je te prie de m’excuser de te l’avoir dit mais je te l’ai dit parce que tu disais être ma famille, et j’excuse tout pareil ton attitude. Je connais par mon histoire personnelle, et aussi familiale, ce qu’est résister, survivre, réchapper à l’horreur, résister à en mourir s’il le faut à ce qui ose sans scrupules se vomir à nouveau aujourd’hui. Je préfère m’exclure volontairement de notre mauvaise humanité que d’y contribuer même petitement. Bonjour Fred, je continuerai à te lire, à soutenir ton travail comme je l’ai toujours fait. Nous ne sommes plus amis, nous ne nous comprenons pas toujours, mais nous sommes tous les deux des frères humains. Bonjour et belle vie à toi.
Libr-événements
► Vendredi 29 novembre 2013 à 20H, Librairie Geronimo, 2 Rue Ambroise Thomas, 57000 Metz.
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Performance de Lionel Marchetti à la librairie Geronimo (Metz). – partenariat avec l’association Fragment – Metz. Lionel Marchetti dont on connait le travail de compositeur de musique concrète, d’improvisateur musicien et d’écrivain essayiste sur l’art des sons, écrit depuis toujours des poèmes même si très peu sont édités sur papier à ce jour (cf. revue en ligne lampetempete.fr pour des versions en édition numérique). Après avoir écrit de longs recueils comme Les fleurs tombent ou encore Cahier Japonais, il travaille actuellement à un Livre des falaises (journal du musicien), recueil d’une centaine de poèmes tirés tant de ses carnets et journaux que de ses pérégrinations lors de ses tournées musicales.
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► Rencontres Écrits du peuples, écrits du Nord
L’association Espace Marx organise le samedi 30 novembre les Rencontres "ECRITS DU PEUPLE – ECRITS DU NORD", au 6 bis rue Roger Salengro à Hellemmes (accès Métro : Ligne 1 – Station Marbrerie)
Au programme : Lecture, Ecriture, Création littéraire d’inspiration sociale.
Avec la participation de romanciers, nouvellistes, essayistes, poètes, chercheurs universitaires, et autres "passeurs-médiateurs" de l’écrit
– 10h-10h30 : Ouverture des rencontres par Jacques Roillet, président d’Espace Marx et allocution de Jérôme Leroy, écrivain, parrain de l’événement.
– 10h30-12h30 : rencontre-débat, "Quel travail !? Les représentations du travail en France dans les récits contemporains".
Avec Fabrice Thumerel, Université d’Artois (Arras), spécialiste en sociologie de la littérature contemporaine.
Que les représentations du monde du travail dans la littérature française soient historiquement et politiquement marquées ne sauraient étonner. Ainsi l’effacement progressif, au cours du XX° siècle, de la centralité d’une classe ouvrière organisée et solidaire, identifiée comme telle dans la vie sociale, est allé de pair avec la reconquête par les acteurs d’un capitalisme managérial, quelle que soit sa crise, d’une hégémonie idéologique dont les termes "concurrence", "compétitivité", "efficacité", "performance" sont devenus les maîtres mots. Si les acteurs anciens du travail sont peu à peu devenus invisibles, la question du travail reste une donnée sociale, économique et politique majeure. "Rien d’étonnant" donc, selon Fabrice Thumerel, "à ce que l’on puisse déceler une homologie entre, d’une part, les mutations économiques et socioculturelles, et, d’autre part, les nouvelles formes d’écriture du travail", quels que soient par ailleurs les labels choisis pour en rendre compte.
– 12h30-13h15 : Poursuite de la discussion avec les intervenants et auteurs. Dédicaces.
– 13h15-14h30 : Pause-repas.
– 14h30-16h30 : Table ronde "Les passeurs de parole et médiateurs de l’écrit – Richesse et diversité des expériences de terrain", animée par Ricardo Montserrat, écrivain et auteur dramatique, et Laurence Mauriaucourt, journaliste à L’Humanité, avec la participation d’associations d’éducation populaire et de solidarité, d’animateurs d’ateliers d’expression orale et écrite…
– 16h30-17h: Pause dédicaces.
– 17h-19h: Débat "Le Roman noir – littérature de contrebande et de subversion ?"
Avec Gérard Streiff, auteur de "polars" et Jérôme Leroy, écrivain, animé par Pierre Gauyat, auteur de "Jean Meckert, du roman prolétarien au roman noir contemporain" (Encrage, 2013), et Pascal Bavencove, écrivain et militant syndical.
► La médiathèque Louis Aragon organise plusieurs événements autour de Charlotte Delbo, en coopération avec le collectif d’artistes La Fonderie. C’est dans ce cadre que Laurent Grisel est invité à faire une lecture samedi 30 novembre (Médiathèque Louis Aragon 2, avenue Rabelais 94120 Fontenay-sous-Bois).
La lecture commence à 15h00. Venez un peu avant ; vous aurez ainsi le temps de voir plusieurs grandes toiles de Judith Wolfe accrochées dans la médiathèque.