Après une UNE consacrée au volume IV des Œuvres de Bernard Noël, quelques Libr-brèves
UNE
Bernard Noël, La Comédie intime, œuvres IV, préface de Stéphane Bikialo, P.O.L, octobre 2015, 432 pages, 22,50 €, ISBN : 978-2-8180-3771-3.
Après Les Plumes d’Eros (2010), L’Outrage aux mots (2011) et La Place de l’Autre (2013), pour notre plus grand plaisir les éditions P.O.L viennent de publier le quatrième volume des œuvres (presque) complètes de Bernard Noël (né en 1929).
"Chacun de nous est une société", peut-on lire dès le début des Premiers Mots (1973), roman fondamental dans le prolongement duquel s’inscrivent tous les monologues qui lui succèdent dans cette somme d’une densité rare. Et S. Bikialo de préciser : "Chacun de nous porte sa comédie, que Dante a voulue divine, Balzac humaine, Jacques Villeglé urbaine, et Bernard Noël intime ou mentale. La Comédie intime est la Comédie humaine de Bernard Noël, sa comédie humaine, où il se fait, non pas le secrétaire de la société mais le porte-plume de ces voix qui travaillent en lui, qui le constituent comme sujet de l’écriture, comme TU" (p. 12). Chaque monologue, "forme obsessionnelle" bâtie "à partir du monologue intérieur" (B. Noël, "Le Chemin de ronde", 1958-63), est centré sur un pronom : "je" dans La Langue d’Anna (en ces temps identitaristes, on appréciera la troisième phrase : "Je ne manque pourtant pas d’identité : elle me déborde, elle me jette hors de moi" – p. 209) ; "tu" dans Le Mal de l’intime ; "il" dans La Maladie du Sens ; "elle" dans Le Mal de l’Espèce ; "on" dans Le Syndrome de Gramsci ; "vous" dans La Maladie de la Chair ; "je", "tu", "il" et "vous" dans Les Têtes d’IlJeTu…
Arrêtons-nous au dernier monologue, paru au printemps dernier : Le Monologue du nous. Dans un monde où le pouvoir "a pour arme efficace le remplacement de la culture par la consommation, ce qui réduit la politique à des traités de libre-échange puisqu’elle est entièrement soumise à l’économie" ; "un monde où la dissolution de tous les repères sociaux se double du perfectionnement continuel des systèmes de surveillance et de répression" ; où "la technologie va permettre de neutraliser toute opposition par une castration mentale généralisée" ;
comment le "NOUS" pourrait-il encore subsister ?
comment le "NOUS" pourrait-il encore subsister en dehors de l’action directe ?
Mais "peut-on traiter le mal par le mal ?"… Ce monologue du nous nous plonge dans les interrogations et les contradictions d’un groupe de militants qui se sentent trahis par les actuels socialistes au pouvoir et ont renoncé à la mythologie de la Révolution. Et nous, lecteurs, égarés dans un palais de glaces, ne pouvons nous empêcher de nous demander avec angoisse s’il y a la moindre issue…
Libr-brèves
► Dans sa nouvelle livraison (#121), la revue INTER nous propose une nouvelle perspective : "Pauvreté, dépouillement, dénuement" – avec en prime, de Joël Hubaut, un texte et flash-performance de 2002 (UBO_HOBO).
► Sur Diacritik, on lira avec intérêt le Grand entretien de Mathieu Larnaudie avec Jean-Philippe Cazier, "Mathieu Larnaudie, le pouvoir des images" (à propos de son dernier roman, paru cher Actes Sud, Notre désir est sans remède.