Pleins feux sur les deux livres remarquables qui vont paraître ces jours-ci : Cinéma de l’affect, de S. Moussempès, et Cow-boy de Jean-Michel Espitallier. Puis nos Libr-événements, dont certains sont liés à ces livres.
UNE : les deux livres – remarquables ! – de la semaine
Les deux livres à la UNE cette semaine ont pour points communs d’avoir fait l’objet d’une édition soignée (bravo aux éditions de l’Attente et à Inculte !) et de traiter de fantômes : Sandra Moussempès poursuit sa spectrographie/spectrophonie ; quant à Jean-Michel Espitallier, il se lance au galop à la poursuite de son fantôme de grand-père…
► Sandra MOUSSEMPÈS, Cinéma de l’affect. (Boucles de voix off pour film fantôme), éditions de l’Attente, à paraître le lundi 13 janvier 2020, 104 pages, 13 €, ISBN : 978-2-36242-085-6. [Commander]
Ce volume qui résume toute l’entreprise de Sandra Moussempès est à lire en écoutant l’album Vox Museum, qui ressortit à « la poétique de l’audio-poème » : la voix est le médium de l’affect et nous plonge de façon hypnotique dans une boîte à fantômes et à fantasmes. D’un entremêlement de notations, de graphiques, de photos et de voix, surgissent aussi bien « l’amoureux errant de ce dédale » qu’une figure familiale, l’impressionnante cantatrice sicilienne Angelica Pandolfilni, maîtresse de Toscanini.
Impossible de s’en tirer, envoûté que l’on est par ce « conte de fée psychique », ce « théâtre mental », ce « Muséum des tessitures flottantes »…
► Jean-Michel ESPITALLIER, Cow-boy, éditions Inculte, à paraître le mercredi 15 janvier 2020, 144 pages, 15,90 €, ISBN : 978-23-60840-22-9. [Commander]
« Les mythologies des familles sont des constructions en équilibre instable,
agencements de petits faits pas vrais, récits au tamis,
tris sélectifs et bricolages pour que l’histoire présente bien.
Il y a les braves types surexposés sur les commodes.
Il y a les drôles de loustics enfouis au fond des tiroirs.
La gloire ou le passage à la trappe. Pour mon grand-père Eugène,
ce fut la seconde destination » (exergue, p. 9).
Comment faire pour saisir un fantôme, c’est-à-dire une figure familiale reléguée aux oubliettes ? Et pourquoi mener l’enquête ? Comment / que raconter quand on ne sait rien ou presque ? C’est là que commence l’écriture, nous suggère Jean-Michel Espitallier : faire parler le silence… non pas combler le vide, mais jouer avec, flirter avec le trou béant, faire affleurer le je d’un jeu avec le temps (et) des origines…
Écrire, pour le poète, c’est traverser la nuit-des-temps, « les filtres de la famille » et « des souvenirs de souvenirs » (115), les représentations scolaires et socioculturelles les plus diverses – parmi lesquelles les univers de Flaubert, Zola, Mallarmé, Proust, Apollinaire, Giono, ou encore les récits d’aventure, les westerns et L’Odyssée de l’espace de Kubrick –, pour évoquer l’absent de tout bouquet familial, « le cow-boy qui se retourne [et] ne tarde pas à se faire flinguer par la sédentarité des familles rurales » (96)… C’est ici réussir une attachante (anti)mythobiographie.
Libr-événements
► Mercredi 15 janvier à 19H, L’arbre à Lettres Bastille (62, rue du Faubourg Saint-Antoine 75012 Paris) : Lancement de Cow-boy avec Jean-Michel Espitallier.
► Mardi 14 janvier, Les Champs Magnétiques (80, rue du RV 75012 Paris) : « Explorer, avec Benoît Casas – Toutes les distances de langage ». Organisé par Luc Benazet et Benoît Casas.