Après nos surprenantes Libr-brèves, vous retrouverez les attendues « nouvelles aventures d’Ovaine » et vous découvrirez deux livres qui viennent de paraître (En lisant, en zigzagant)…
Libr-brèves
► Suite à nos éditos sur les « mots du pouvoir » et « parole et pollution », on méditera avec intérêt cette démonstration de Joachim Séné dans son passionnant « Journal éclaté » :
« Dans cette crise du Covid — mais n’est-ce pas dans toutes les crises ? Et ici plus révélé ?— le Pouvoir joue avec la langue comme avec le feu. Veran déclare que la courbe n’est « pas exponentielle » puisqu’on a « que » 10% de cas en plus chaque semaine. Or c’est la rigoureuse définition mathématique de la courbe exponentielle : F(n) = F(n-1)×1.1
Et c’est également de ça, détruire la langue, qu’il est question en ce moment — mais n’est-ce pas aussi un effet du Pouvoir ? Un moyen de domination supplémentaire ? Les mots du pouvoir, le confinement « serré », le « plateau montant » que ne serait pas l’exponentiel, les fausses-fuites d’informations et les « ce qu’on sait », les rumeurs des réseaux, une marmite de potion politique bout, l’angoisse monte des jours à l’avance avec la crainte de ce qui sera dit, est-ce décidé ? Sur quelles bases ? Tout le monde est épuisé, fissures. »
► Oublions un peu la morosité ambiante et regardons/écoutons cette vision poétique d’un objet qui empoisonne nos vies laborieuses : Marie-Hélène Dhénin, « Les Trois Masques et quelques dizaines de plus » (texte et photos / Lecture d’Alain Frontier)…
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Mardi 9 février à 19H : RV avec Maxime Actis.
Présentation officielle. À lire l’un de ses textes publié dans une revue littéraire, sa mère dit à l’auteur que « ça doit être compliqué de vivre à force de regarder les choses précisément comme ça. » Mais c’est assurément un ravissement pour nous. Long poème composé de dix-neuf « chants », Les paysages avalent presque tout oscille entre un présent intranquille et des périples fondateurs à travers les Balkans. Des êtres qu’on perd jusqu’aux maisons désertées, en passant par cette femme qui ne reconnaît plus les siens : la poésie s’arme pour fixer tout ce qui file et que le temps engloutit. L’apparition d’un jeune poète saisissant.
À lire – Maxime Actis, Les paysages avalent presque tout, Flammarion Poésie, 2020.
Vendredi 12 février à 19H : RV avec Frédéric Forte.
« La phrase Nous allons perdre deux minutes de lumière, je l’ai entendue prononcée un jour à la télé par une présentatrice de la météo. Je l’ai aussitôt perçue comme un titre de livre potentiel. Et plus qu’un titre, un modèle de phrase et de vers. Durant les sept mois de l’écriture du poème, j’ai essayé de saisir à chaque instant, dans un flux, ce qui, dans ma vie de tous les jours, pouvait être « la phrase suivante ». D’une phrase à une autre plusieurs heures ou toute une nuit pouvaient parfois s’écouler. Le poème est donc une sorte de journal en coupe. Avant même d’avoir terminé l’écriture du texte, j’avais déjà envie de le lire en public, in extenso. Et pour pouvoir immerger plus avant le public dans le poème, j’ai proposé à deux artistes – le guitariste Patrice Soletti et la plasticienne Leïla Brett, tous deux maîtres dans l’art de la répétition, de la variation, du jeu avec le temps… – de créer avec moi une pièce qui dépasserait la simple lecture, mêlant le poème à la guitare jouée en direct et à un diptyque vidéo pour nous faire vivre plusieurs mois en moins d’une heure » (Frédéric Forte).
À lire – Frédéric Forte, Nous allons perdre deux minutes de lumière, P.O.L, 2021. S’inscrire à l’événement Facebook.
Les nouvelles aventures d’Ovaine /Tristan Felix/
♦ Un jour d’hiver, la mort, épuisée, toque :
– Je suis au bord du beurre naout. On me fait avaler des vivants qui sont même pas encore nés.
– Ovaine la serre dans ses bras dodus et doucement lui conte l’histoire du scarabée qui ne voulait plus entrer dans le jeu du scrabble.
La mort, d’un coup requinquée, se met à refuser tout ce qui bouge.
Comme il y a foule au portillon, certains font semblant d’être déjà morts.
Fine mouche, elle les frictionne et, d’un coup de pied aux fesses, les envoie paître parmi les vaches lentes et majestueuses.
◊ Un jour, Ovaine contemple le ventre de son aspirateur.
Une jungle d’acariens s’en donnent à cœur joie dans une fête à neu-neu tenue par des araignées de petit calibre.
Ovaine veut en être. Elle prend un ticket pour le fameux train d’enfer.
Des cheveux géants l’attrapent par les pieds, des squelettes de puces lui sautent au cou. Un crâne de fourmi lui colle des grains de sucre sur la bouche.
Après dix minutes d’ivresse, Ovaine sort de l’aspirateur. Si elle avait su !
Ouvrant aussitôt un stand à 1 centime le tour, elle a du mal à ne pas être aspirée par la soudaine ruée des poussières.
En lisant, en zigzaguant…
♠ « Tu as rencontré une fois un écrivain et artiste qui, pendant près d’une demi-heure, accoudé au zinc d’un petit bar, t’as parlé de sa penderie. Ses paroles elles-mêmes semblaient être regroupées, comme parcimonieusement étudiées et classées, puis envoyées dans l’espace avec la précision des ingénieurs du projet spatial Philae. »
« À y regarder de plus près, changer de vie n’est pas chose facile. Cela fait quinze ans que tu te dis : demain, je plaque tout ; c’est sûr demain tu leur dis que tu n’es plus capable, pas un clown, pas un mouton – pas de corrélation entre les deux en apparence, ni avec toi, encore que c’est à voir – tu leur dis cela, puis tu y retournes, comme un seul homme. »
Sophie Coiffier, Tiroir central, éditions de l’Attente, 2021, p. 23-24 et p. 71.
♣ « L’idée que la poésie doit exclure le narratif est aussi absurde que d’exclure l’exposition discursive du roman. Mallarmé rejette le narratif sous prétexte qu’il présente quelque chose comme un simulacre du réel. Mais la virtualité domine autant le narratif que les autres types de discours. La narration est un tissu de lacunes mouvantes ; c’est par ce jeu du vide et du plein qu’elle rejoint à la fois la poésie et le réel et il s’ensuit que la poésie est simulacre au même titre que la narration. »
Alexander Dickow, Déblais, éditions Louise Bottu, 2021, p. 24.