Loin des flonflons de la Rentrée officielle, LIBR-CRITIQUE poursuit son cheminement : du côté de deux livres à ne pas manquer de lire pour des raisons diverses (Comme un fracas de J.-H. MICHOT et Annie Ernaux. Perspectives critiques) ; d’événements notoires (LA BRÛLURE DU REGARD d’Eugène Durif, CARTE BLANCHE À JEAN-PIERRE VERHEGGEN) ; d’un blog idéal-typique (Éric Dubois) ; plus généralement, de la "facebooksphère" et de la "blogosphère". /FT/
Livres reçus
[+] Pierre-Henri Michot, Comme un fracas, Al dante, septembre 2009, 392 pages, 20 €, ISBN : 978-2-84761-972-0.
Présentation éditoriale : "Une chronique sans concession de la guerre sociale, où le fracas du monde entre en résonance avec le roman d’une vie.
Il y a fracas dans la multiplication et l’entrechoquement des faits intolérables. Il y a fracas lorsque les mots tentent de plier l’intolérable vers l’horizon de la banalité. Il y a fracas lorsque vivre devient vivre malgré tout : malgré l’inhumain, malgré la mise sous silence des paroles qui questionnent, malgré la mise à l’écart (de la censure au meurtre) des personnes en résistance. Il y a fracas, enfin, quand l’intime, dans ses joies et ses souffrances, se vit au rythme du monde et de ses débordements.
Ce nouveau récit de Jacques-Henri Michot, Comme un fracas, prend la forme d’une chronique où l’auteur analyse la situation politique mondiale en convoquant écrivains, musiciens, artistes, politiques, philosophes… et en réfléchissant sur les techniques langagières employées par ceux qui s’obstinent à défendre les systèmes politiques et économiques en place."
[+] Sergio Villani dir., Annie Ernaux. Perspectives critiques, LEGAS, New York, Ottawa et Toronto, 307 pages, ISBN : 978-1-897493-10-6.
La parution de ces œuvres majeures que sont L’Usage de la photo et Les Années (Gallimard, 2005 et 2008) nécessitait une autre approche que la seule réception journalistique et un réexamen d’une œuvre entière dont les frontières venaient d’être une nouvelle fois bouleversées. Aussi, entre autres publications récentes – dont celles de Libr-critique auxquelles renvoient les liens ci-dessus -, plusieurs articles de ces Actes du colloque international de Toronto portent sur ce texte duel où (se) réfléchissent l’auteure et son compagnon Marc Marie et sur cette somme autobiographique. Leur point commun est une interrogation sur écriture et représentation : si Michèle Bacholle-Boskovic se concentre sur les usages de la photo propres à Annie Ernaux, Barbara Havercroft sur le rapport image-texte pour évoquer le cancer, fléau qui sert d’agent catalyseur à l’écriture même, et Loraine Day sur "jeu, désir, mort et écriture" dans ce livre atypique rédigé à quatre mains, Nathalie Froloff, quant à elle, considère Les Années comme une entreprise autobiographique qui, visant la captation photographique du réel, constitue à la fois un aboutissement et un dépassement des journaux extérieurs, et Elise Hugueny-Léger y examine le jeu entre identité et altérité. On retiendra encore deux passionnantes analyses à dominantes psychanalytique : Sylvie Boyer sur l’enfant de remplacement dans l’œuvre et Mariana Ionescu sur les "figures du corps" (à partir de Fontanille et Anzieu).
Les autres contributions, hélas, n’évitent pas toujours certains travers de ce genre d’exercice universitaire : défaut de méthode, dérive anthologique, redites, thématiques rebattues, manque d’analyse… Mais, comme on le sait, en matière d’Actes de colloque, rares sont les volumes homogènes.
Libr-brèves
► Du vendredi 9 octobre 2009 (à 19:50) au dimanche 11 octobre 2009 (à 22:50), LA BRULURE DU REGARD, ciné-performance d’Eugène Durif, mise en scène de Karelle Prugnaud, vidéo : Tito Gonzalez / Karelle Prugnaud.
D’avoir été, malgré lui, dans la transgression et d’avoir vu ce qu’il ne devait pas voir, Actéon fut changé en cerf par la déesse Diane et fut dévoré par ses propres chiens…. point de départ de cette performance.
Qu’est-ce qui anéantit du regard et qu’est-ce qui en retour peut détruire ?…
Organisateur : Cie l’envers du décor. Les Subsistances, Quai st Vincent, Lyon ; téléphone : 04 78 39 10 02 ; adresse électronique : www.les-subs.com.
► CARTE BLANCHE À JEAN-PIERRE VERHEGGEN, Centre Wallonie-Bruxelles (46, rue Quicampoix Paris) : avec Vanda Benes, Jacques Bonaffé, Eric Clémens, Jacques Darras, Jacques Demarcq, Christian Prigent ("TXT IS GOOD FOR YOU") et Jean-Pierre Verheggen.
Du côté des blogs : Éric Dubois
Ce blog est idéal-typique, dans la mesure où Éric Dubois fait partie de ces auteurs qui, de plus en plus nombreux depuis l’avènement en France des réseaux sociaux et de ce qu’on appelle un peu vite la "blogosphère", tablent sur internet pour gagner en visibilité : "Le poète du 21 ème siècle / ça écrit des poèmes sur des blogs / car ça a Internet." Car la surproduction éditoriale ne profite vraiment qu’aux romanciers :
" Eric Dubois aimerait écrire un roman plutôt court , un récit. Eric Dubois pense que l’écrire et plus tard le publier l’aidera à sortir de l’anonymat que tout poète connait quand il s’agit du grand public.
Un écrivain se doit d’écrire aussi bien des poèmes que des romans ou bien des essais. A notre époque, seul le romancier a droit de cité. On le lit plus facilement parce que c’est un créateur d’histoire, un conteur.
Mais Eric Dubois ne sait pas. Parler de lui ? Ca peut paraître prétentieux et complaisant. Tout inventer? Eric Dubois n’a pas beaucoup d’imagination ! "
Et d’enfoncer le clou, plus crûment : "Les poètes sont de petites crottes : dixit une petite crotte. Je veux dire par là qu’ils n’encombrent pas trop les rayons des librairies et que le coin des poètes en bibliothèque est toujours un peu poussièreux." D’où, chez celui qui se définit comme "un poète en quête de lecteurs" – lequel "met son cv sur Dailymotion" -, ce genre de question déplacée/dépassée : "La poésie intéressera-t-elle un jour le grand public ?" On ne peut ici que renvoyer à la poéthique de Jean-Claude Pinson et/ou à l’étude parue l’année dernière sur LC : "À quoi bon encore des revues de poésie ?"
La plupart de ces auteurs oublient les deux conditions sine qua non pour créer une véritable position sur le Net : la prise en compte du support et l’homogénéité du contenu. En l’occurence ici, par exemple, Éric Dubois invente un intéressant mot-valise, "poêmécrans", dont il ne tire rien faute d’une réflexion sur le support ; par ailleurs, on y trouve aussi bien des performances bruitistes, des poèmes lyriques plus ou moins critiques, des "pensées" plus ou moins originales, des infos et photos autopromotionnelles…
Du côté de la "Facebooksphère" et de la "blogosphère"
Le pavé de CUHEL, mi-critique, mi-boutade :
"BLOG : La littérature à la portée des caniches.
FACEBOOK : Tout-à-l’EGO des relations sociales.
Une seule chance de vous en sortir : adhérer à la confrérie des "amis qui poètent plus haut que leur cul…"
Plus constructif, le point de vue de Sirius :
"1. Sur Facebook, tu joueras à déjouer les possibles usages socio-économiques de ta page FB.
2. Tu réfléchiras avant d’émettre le moindre jugement.
3. Authentique tu resteras.
4. Tu n’utiliseras pas FB à des seules fins autopromotionnelles.
5. Tu te garderas de la gogolisation avec alibi ludique."