Publication ? publications ...

Publication ? publications …

octobre 16, 2006
in Category: chroniques, UNE
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>> Je profite de la réception d’un petit livre, celui de Marc Pautrel, Le voyage jusqu’à la planète Mars (éditions Librairie Olympique, 5 €), pour revenir non seulement sur ce qui a été ouvert par Fabrice Bothereau dans sa lettre publiée ici, mais aussi sur certaines news publiées dans la blogosphère, et certaines nouvelles qui concernent le milieu éditorial contemporain français.

Marc Pautrel dans Le voyage jusqu’à Mars, parle, non sans humour, de la question de la publlication de son second livre, publication qui n’a pas eu lieu, malgré ses efforts. pautrel.jpgAu-delà de ce livre non publié, il pose la question de la réception des manuscrits et des conditions a priori qui déterminent les choix éditoriaux, tout autant que des conditions de diffusion des éditeurs. Pour les grands éditeurs, il explique en quel sens par rapport au genre dans lequel il s’inscrit, il y a peu, très peu de chance pour que cela soit publié, au sens où les recueils de nouvelles en France sont peu défendus. Ne soyons pas naïf, quand il dit que POL, Minuit, Gallimard,etc… ne donnent pas leur chance à des types d’expérimentation — ce qui est discutable pour au moins l’une d’entre elles : POL — il est nécessaire de comprendre que les conditions économiques de la publication sont déterminantes par rapport, et que, pour reprendre POL, il est évident que si certains livres ne peuvent véritablement permettre d’équilibrer économiquement les choix éditoriaux (tels les livres classés en poésie), il est nécessaire pour sa survie de publier des livres qui peuvent d’une manière ou d’une autre atteindre une cible large de lecteurs. De même Marc Pautrel, poursuit en parlant d’éditeurs plus petits et en expliquant, là aussi un peu naïvement : « Les grands éditeurs de création existent, les trois cités plus haut, mais aussi Al Dante, L’Arpenteur, Verdier, Verticales, et bien d’autres, mais ils ne sont pas assez nombreux et ne publient pas assez de livres, so many girls, so little time, tellement de manuscrits importants, si peu de livres publiés ».

Ce qui est écrit là porte en soi une forme de naïveté, au sens où la question de la publication est liée chez ces éditeurs à la question de la diffusion des titres, à savoir non pas seulement aux moyens (question des diffuseurs), mais aussi aux publics concernés par cette réception : peu, très peu. Non pas trop peu, au sens où cela supposerait a priori un manque, une forme de défaillance, alors qu’il s’agit plutôt de reconnaître que certains livres, sont difficiles d’accès, hermétiques, clos, peu ouverts à la possibilité de réception de lecteurs qui ne recherchent pas tant la matérialité linguistique de langues, que le plaisir d’histoires. Leur adresse ne concerne que peu de monde, ouvre un monde où peu s’y reconnaisse. Ce qui bien évidemment n’implique aucunement qu’il ne soit pas important. Dans certains cas, c’est même plutôt le contraire. C’est ainsi que Marc Pautrel fait mine d’ignorer que certains de ces éditeurs, Al dante, par exemple, lorsqu’ils publient, sont limités quant à la réception, et dès lors publient sachant parfaitement que leur livre, s’il peut avoir une certaine importance historique, une forme de nécessité généalogique quant au devenir de la poésie par exemple, le seront à perte, et ceci même avec l’aide du CNL, ce qui implique un système précaire chez de tels éditeurs.
De plus, la question de la publication pose la question de la diffusion : de la possibilité de voir un livre apparaître dans les librairies. La réalité en France nous la connaissons à peu près. Mais tout d’abord, je citerai un article diffusé ici sur le blogue de la feuille, qui parle de la difficulté d’existence des librairies indépendantes aux Etats-Unis. Il explique qu’il y a « longue faillite des libraires indépendants américains (passés de 4000 à 1800 dans les années 90, et dont le nombre d’ouverture de magasins n’a été que de 60 à 80 ces 3 dernières années). » Et que leur seul moyen de survivre est de sortir des schémas traditionnels d’existence (la vente de livvre) pour s’ouvrir sur des modes transversaux d’existence : devenir des cyber-cafés, faire commerce d’autres produits, mettre économiquemennt à contribution la population du quartier où ils sont implantés afin que la librarie ne disparaisse pas, créer des clubs de lecture. En France, tel que le note Lekti-ecriture.com, les libraires indépendants, quelque soit leur énergie vont de même assez mal, face à la concurence toujours plus importante des industries commerciales, et d’autre part de la vente en ligne [lire ici]. Or, certains ouvrages ne peuvent apparaître que chez ces libraires indépendants, tel Sauramps ou Ombres blanches pour ne citer qu’eux. Pour quelles raisons : du fait que, comme un employé de la librairie Privat-Brunet me l’a expliqué, il y a de cela un an, il est nécessaire qu’il y ait un fort turn-over des stocks pour la rentabilité, ce qui signifie que les livres qui ne trouveront preneurs que sur une période d’un an ou plus, et donc qui occuperont de l’espace sans le rentabiliser sont rejetés, pour laisser la place à des livres qui par la médiatisation, et donc les moyens mis à disposition pour leur diffusion, rencontreront un marché rapide. C’est aussi cette logique qui amène ces chaînes de librairie à but commercial à se diversifier, aussi bien dans la papeterie, que le multimédia. Comme on le voit, c’est l’ensemble d’une logique économique qui implique l’étouffement de la diffusion des livres des éditeurs de moyenne éxistence en France. Alors que faire ?

L’une des solutions pourrait bien être dans cette logique que développe lekt-écriture, à partir de l’étude de Joël Faucillon : le projet Bellerophon, qui tiendrait au développement en ligne d’une forme de consortium indépendant et commercial des libraires et éditeurs indépendants, réunis sous le label d’une surface commerciale open-source. Cette solution en effet pourait être intéressante, au sens où les coûts de commercialisation seraient mutualisés et permettraient à de très petits éditeurs de bénéficier d’une visibilité qu’ils ne peuvent absolument pas avoir, même avec un site indépendant. Solution qui apparaît partiellement avec les solutions internet des deux librairies citées, qui toutes les deux ont ouvert une librairie-internet, afin de toucher une plus large population.
Une autre solution, pourrait tenir, et ceci en contradiction totale avec ce qu’énonce Marc Pautrel, à des choix intransigeants de publication, comme on peut le voir avec les éditions Tristram [lire le dossier de chronic’art #29], qui au lieu de publier beaucoup, publie peu, parie sur le temps et une qualité irréprochable aussi bien des textes choisis, que de leur réalisation.
Mais, pourrait aussi être pensé enfin, une autre solution, certes à discuter : la publication en ligne, des textes, et ceci selon une double logique : non commerciale et commerciale. Non-commerciale : au sens où pour certains textes, le plus important ne tient pas à la rémunération des auteurs (combien dans le milieu de la poésie contemporaine touche une rémunération sur la vente ? sachant que beaucoup de tirages ne dépassent pas les 200 exemplaires), mais bien à leur diffusion, à leur circulation, ceci devant permettre aux textes d’exister, d’être lus, d’être partagés, et delà peut-être créé un lectorat plus imortant. Bien évidemment une telle solution, que j’ai dite discutable, demande un premier pas : celui de la désacralisation de l’objet livre, de l’acceptation que le livre si ontologiquement il a une qualité intrinsèque et spécifique, il n’est pas pour autant le seul support à une textualité. Cette solution pouvant permettre ensuite le passage à un mode éditorial papier, si les conditions sont réunies, et par conséquent l’ouverture à une logique commerciale. L’avantage de cette solution est bien évidemment économique, au sens où la duplication du support n’implique aucun coût matériel. De telles expériences ont été tentées et ont montré leur limite il y a de cela quelques années, comme OOhOO. Mais face à l’usage croissant d’internet, aussi bien pour les achats que les recherches, tout semble encore possible.

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Philippe Boisnard

Co-fondateur de Libr-critique.com et administrateur du site. Publie en revue (JAVA, DOC(K)S, Fusees, Action Poetique, Talkie-Walkie ...). Fait de nombreuses lectures et performances videos/sonores. Vient de paraitre [+]decembre 2006 Anthologie aux editions bleu du ciel, sous la direction d'Henri Deluy. a paraitre : [+] mars 2007 : Pan Cake aux éditions Hermaphrodites.[roman] [+]mars 2007 : 22 avril, livre collectif, sous la direction d'Alain Jugnon, editions Le grand souffle [philosophie politique] [+]mai 2007 : c'est-à-dire, aux éditions L'ane qui butine [poesie] [+] juin 2007 : C.L.O.M (Joel Hubaut), aux éditions Le clou dans le fer [essai ethico-esthétique].

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