Le coup du canon :
Christian Prigent lecteur des anciens
Hugues Marchal
( Université de Paris III – Sorbonne nouvelle / CNRS )
Début
Si l’avant-garde se pense de manière polémique, voire polémologique, conformément à l’origine militaire du terme, c’est bien qu’elle juge et déjuge une pratique littéraire antérieure. Venue périmer, elle attaque des cibles existantes et produit des lectures contre des textes que ses acteurs, selon l’un des premiers éditoriaux de la revue TXT, « se donnent pour propos de viser et d’abattre ». Aussi Christian Prigent parle-t-il avec raison des « exigences métapoétiques de la position avant-gardiste » : elle discrimine, et par là avance une critique. Cependant, tout commentaire est postface : le métatexte arrive, comme les cavaliers d’Offenbach, après la bataille – en l’occurrence après une parole première. Et, dans un élan forcément rétrograde, il reconduit l’œuvre commentée vers notre présent, en la répétant par des citations ou des allusions. Le geste n’est donc pas aussi aisément conciliable qu’il ne paraît avec la double visée disruptive et prospective associée, à tort ou à raison, à l’avant-garde – cet avant-regard qui volontiers va prophétisant. Dans nos représentations les plus courantes, les avant-gardes résolvent cette tension en utilisant la visée rétrospective du commentaire précisément pour rompre avec le texte commenté, en affirmant son caractère inactuel et périmé.