Attaques, # 1, Al dante, automne 2012, 272 pages, 23 €, ISBN : 978-2-84761-805-1.
Depuis le redémarrage de sa maison d’édition, Laurent Cauwet conduit tambour battant son chantier Al dante (on mesurera le chemin parcouru depuis cet entretien de l’automne dernier). La rencontre de ce soir – à partir de 19H à la Librairie-galerie Le Monte-en-l’Air (71, rue de Ménilmontant / 2 rue de la Mare 75020 Paris ; tél. : 01 40 33 04 54) – permettra d’entendre, outre la lecture par Bernard Desportes de son sublime L’Éternité, la présentation du premier et corrosif numéro d’Attaques (avec, entre autres, une lecture d’Amandine André : boucle des "Cercles de chiens"). Découvrons cette livraison d’une grande densité…
"Le capitalisme est beaucoup plus dangereux que le fasccisme, qui lui avance démasqué."
"La culture d’état pue la mort" (Jérôme Bertin, "La Grande Bouffonnerie", p. 82 et 85).
Les deux lignes de mire de ces Attaques : la barbarie capitaliste ou intégriste ; la sclérose du milieu littéraire. Un seul mot d’ordre : sus aux humoins (J. Bertin) !
Comme le remarque Jérôme Bertin : "La lutte est décapitée par le rire du capital" (83). Et en Frankistan, rien ne va plus, note pour sa part Antoine Dufeu : "Tels des animaux menés à l’abattoir par la boucherie industrielle, nous tous sacrifions notre pouvoir économique et ses instruments sur l’autel d’un temple de l’argent dont seulement quelques-uns – des plus malins – savent le tabernacle vide" (235). On met "la crise" à toutes les sauces pour transformer les travailleurs en marchandises, renchérit Sylvain Courtoux.
Le soleil se lèverait-il au Sud, avec le printemps arabe ? Évidemment non, répond Mustapha Benfodil, qui a fait scandale à la Biennale d’art contemporain de Sharjah pour avoir dénoncé dans une installation (en lien avec le "Soliloque de Cherifa", extrait de sa pièce Les Borgnes ou le Colonialisme intérieur brut, 2012) le viol d’Algériennes dans les maquis d’Allah : "VIOLÉES / ENCORANNÉES / ASSASSINÉES" (132)… "Islam et Art peuvent-ils faire bon ménage ?" (129).
Jérôme Bertin et Sylvain Courtoux lui emboîtent le pas pour mettre en lumière la nécessaire fonction subversive de l’écriture : "L’écriture aussi est un sport de combat. Ou alors ce n’est pas de la littérature. C’est de la merde" (81) ; "Je n’aime pas la littérature propre sur elle. Écrire c’est mal parler" (84)… Pour l’auteur de Stillnox, le poète doit s’engager à vivre ce qu’il écrit, explorer inlassablement de nouvelles formes, et non profiter de ses acquis, parader en quête de gloriole. D’où cette charge : "Comment pouvons-nous tolérer de certains de nos aînés ou de nos pairs (collègues et/ou amis) qu’ils se comportent, vivent (virevoltent, voltent-face) et pensent (comme des porcs ?) dans une inexcusable version abâtardie de leurs propres textes ou (CAP AU) pire, dans la négation pure et simple des formes et de leur vision du monde avec laquelle ils ont l’outrecuidance de nous seriner ?" Charge qui débouche sur ce pied-de-nez : "Si la poésie expérimentale visiblement politique ou invisiblement politique dérangeait outrageusement les formes dominantes du Pouvoir, je ne serais pas en train d’écrire ce texte – je ferais la guerre" (94). Ajoutons que son profil archétypique du poète consacré est irrésistible : famille CSP, Grandes-Écoles, culture officielle, maîtrise des TIC comme des langues poétiques modernes…
On terminera cet aperçu sur les 50 post-scriptum de Julien Blaine, qui n’arrive pas à arrêter la performance… Voici l’une de ses mises en garde : "En ce début de millénaire, la performance est guettée par 4 dangers : 1) le gag trop intelligent / 2) le gag trop idiot / 3) la saynète théâtrale / 4) le monologue pour cabaret à touristes" (209)…
Merci pour cette magnifique bonne nouvelle !