Carbone n°2, ed. Le mort qui trompe, 126 p. ISSN: 1953-681X . ISBN : 978-é-916502-01-4, 8 €.
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Présentation :
Pour ce nouveau numéro, la revue Carbone s’attaque à la fin. Davantage classique par rapport au premier numéro au niveau des contributions, cependant le thème permet de faire d’intéressantes découvertes…
Tout d’abord l’entretien avec Jean-Pierre Andreuon, qui à travers ses quarante années d’écriture SF, interroge la possible fin de l’homme, s’anéantissant lui-même par son propre essor. On découvre comment cet auteur lie problématique SF, voire plutôt anticipation, et une forme de militantisme écologique.
Au niveau des articles critiques, le premier article qui a retenu mon attention, est celui de Théophile de Giraud, La fin de l’immonde, qui à travers une analyse de la question de la fin, de la destruction, en rapport à un désir sous-tendu dans les religions, attendant le découvrement final (apocalypse), montre comment la destinée de l’homme est dans l’horizon de son rpopre effacement, et ceci notamment par les armes de destruction massive. Cet article, très rythmé dans son écriture, a de plus le mérite de donner à lire des citations peu connues, et même parfois jubilatoires, comme celle de Wittgenstein posant que la bombe atomique est à considérer comme un médicament. À noter que Théophile de Giraud est l’auteur de L’art de guillotiner les procrérateurs, une des rares perles à découvrir dans ce qui se fait comme écriture pamphlétaire, trop souvent gratuite, sans culture, éructant seulement des anathèmes. J’ai été de même sensible à ce retour à Louis Althusser, mais non pas le philosophe de Lire le Capital, mais le philosophe posé dans la solitude de son existence et de son rapport à Hélène, sa femme, qu’il strangula. L’article de Frédéric Saenen, Le philosophe aux mains nues, réfléchit le texte L’avenir dure longtemps, où Althusser tente de comprendre quasi-cliniquement, la construction de la causalité le conduisant à la mort d’Hélène.
Au niveau des fictions et récits, c’est là que la revue est plus classique, et pourrait gagner à s’ouvrir ou à inviter des travaux plus contemporains dans leur dynamique d’écriture. On y trouvera cependant des fictions bien menées, comme celle d’Helena De Angelis, Illusion, qui décrit la perspective logique du joueur, de sa trajectoire, de ses anticipations, de ses contradictions. Texte fort quant à ce qu’il analyse, où le jeu décrit enveloppe tout jeu possible, où l’auteur amène à comprendre le processus cognitif du joueur. De même Laurent Schang donne à lire How the West was won (part II), qui traverse, relie, informations historiques et textes philosophiques ou manuel d’art de guerre. Partant de 1972 et de la « poignée de main historique échangée à Pékin entre Richard Nixon et Mao Zedong », il traverse les 30 ans d’histoire qui séparent du 11 septembre 2001, pour montrer une certaine forme d’absurdité de la puissance américaine, à travers une très belle citation de Sun Zi, extraite de L’Art de la guerre, qui vient conclure son texte : « celui qui remporte cent victoires en cent combats n’est pas le plus grand; le plus grand est celui qui remporte la victoire sans combattre ».
Dans l’ensemble, Carbone, revue d’histoire potentielle, est une revue à suivre. Son angle tout à la fois théorique et littéraire permet de bien apercevoir les thèmes abordés. Le prochain qui sortira en mai-juin portera sur le Sabotage. Il semblerait qu’il y ait certaines surprises.