Fin observateur, l’éditeur dit que les poètes sont très durs entre eux. Et en s’appuyant sur son expérience en Syrie, il dit aussi qu’il y a davantage de solidarité chez DAESH.
L’éditeur insulte les rares chroniqueurs qui ont parlé de ses livres. Les plus dithyrambiques sont menacés de se faire loger très délicatement, et avec une grande science des huiles, des rats vivants dans le cul.
Les libraires sont plus pignoufs que nazis, mais ça ira toutefois mieux quand ils auront tous disparu. L’idéal serait que la petite édition travaille en direct avec Uber avec livraison H + 4 voire H + 1. Uber. Eux ils assurent. Comme les libraires, ils n’ont pas la moindre notion de ce qu’est la littérature. Sans se fâcher pour autant si on leur en fait la remarque.
Montrer le lapin, sorti de sa cage qui est au fond du jardin, le nommer et dire que c’est le lapin de la maison d’éditions suscite enfin un début d’intérêt pour ladite maison d’éditions sur les réseaux sociaux.
L’éditeur sponsorise la publication d’une notule encourageante parue dans le journal local par un journaliste qui n’a pas eu le livre en main et qui a – ah oui quand même – laissé cinq fautes et coquilles dans son très approximatif résumé du livre emprunté à une quatrième de couv’ trop longue pour être recopiée entièrement.
Après la rédaction d’un ou deux superlatifs, l’éditeur s’engage dans un texte à paraître prochainement, puis il bloque l’adresse mail de l’auteur (il a beau avoir fait cette blague plus de deux cents fois, elle le fait toujours autant rire).
Au salon de L’autre livre, sous son nez une femme vend comme des petits pains son livre auto-édité sur les petits chats mignons. Le livre est laid, mais elle, elle sait écouler sa marchandise. Avec art.
L’éditeur aime vraiment ce texte, mais en pistant l’auteure sur Facebook, il se rend compte qu’elle n’est pas vraiment sexy, et ça le dissuade immédiatement de lui proposer un contrat.
L’éditeur aurait dû recruter des hôtesses en décolleté plongeant, des étudiantes en force de vente, mais non il est venu tout seul pour attendre vainement derrière son stand que quelqu’un approche.
Le prix des envois postaux, tout le monde s’offusque et dit que c’est l’assassinat, ça tue les revuistes et la petite édition, mais quand l’éditeur propose de cramer une Poste pour faire entendre les revendications, il n’y a plus personne.
Le fichier d’un copier-coller opéré sans aucune relecture du texte et envoyé hâtivement à l’imprimeur avec minimum deux cents coquilles, fera littérature.
L’éditeur a la liste des libraires qui ne paient pas les très petits éditeurs et il menace de la diffuser pour flinguer leur image de librairies indépendantes hyper sympas qui sauvent la planète.
L’éditeur donne un coup de pied dans un buisson et il y a deux millions d’auteurs qui sortent pour lui dire qu’ils ont adoré son recueil de poésie (tiré à 50 exemplaires (et vendu à 4 exemplaires). Et aussi qu’ils ont un tapuscrit à offrir à sa curiosité.
L’éditeur supprime le Facebook de la maison, aucun intérêt à rester parmi ce ramassis de débiles.