L’été n’est pas terminé… avec Daniel Cabanis, que nous remercions pour cette nouvelle série à l’humour toujours aussi décapant. [Lire/voir le premier post]
DEUXIÈME JOUR
Bonjour, c’est Mme Jabert. Je suis pas d’humeur, autant vous le dire de suite, mais alors pas du tout. Je croyais avoir à faire, pour une fois, à un groupe intelligent. Et il s’avère que non. Il y a des tarés dans le tas. Va falloir que je me méfie. Les deux ahuris, MM. Rank et Bobinot, qui se sont laissé enfermer hier soir dans le musée d’art brut, merci ! Grâce à eux, passé la nuit à pas fermer l’œil. La gendarmerie les a retrouvés à deux heures du matin. Dormaient par terre nus roulés en boule sur des cartons, pas gênés comme chez eux au milieu des sculptures en crottin de cheval séché. Me faire ça à moi ! Pour ces deux fêlés, le voyage est terminé : renvoi immédiat dans leurs foyers, au revoir messieurs. Avis à tout le groupe : j’exige un comportement irréprochable. Les rigolos et les crétins, les idiots, les hystériques, les dingues et les grands nerveux, je suis pas d’humeur à supporter ça. Bien sûr vous avez payé, le client est roi etc. mais moi je donne dans le tourisme, pas dans les colonies de vacances, merci. Et maintenant voyons la suite des festivités. Ce matin visite des abattoirs Lepaul à Istry-Giniez. Ça va être un grand moment, surtout pour les bestiaux. Ils verront du beau monde avant d’y passer. Lepaul est une entreprise modèle. Double filière bovine et porcine. Du haut de gamme, entièrement aux normes, abattage sous anesthésie, pas de souffrance animale, hygiène parfaite. Vous verrez : toutes ces bêtes qui font don de leurs personnes à la France carnivore, c’est très beau ! Au terme de la visite, M. Lepaul en personne vous fera son petit topo. Sa passion de la qualité, l’excellence de son management, l’avenir des viandes transgéniques, etc. Vous pourrez somnoler. Puis il nous offrira une dégustation de son steak haché cru maison garanti de la première fraîcheur. Il serait malvenu de refuser. Ceci d’ailleurs vous tiendra lieu de déjeuner. Végétariens, merci de vous forcer. POLITESSE OBLIGE. Et souvenez-vous que je suis pas d’humeur. Cet après-midi, nous ferons halte sur une aire de repos, vers Le Glissy : sieste jusqu’à seize heures. À dix-sept, nous serons à Tilles-Bisson et visiterons l’école vétérinaire où sauf rhume une vache devrait vêler en live à vingt heures pétantes.