[Ayant reçu le Service Presse de Irritation, le prochain livre de Bernard Desportes (le découvrir ici + entretien avec Fabrice Thumerel), qui sortira le 8 janvier 2008 chez Fayard, je ne peux m’empêcher de vous donner à lire un court extrait de ce texte, qui en abyme, pose la question même de la littérature et de la vie, et de la tension qui lie celui qui écrit à cet autre, là, le lecteur qui n’est pas encore défini. Nous reviendrons Fabrice Thumerel et moi-même longuement sur ce livre, au sens où en parallèle sortira les actes du colloque Desportes, publié par l’Université d’Artois]
un roman n’étais-je dit est bien la seule manière de jeter un pont entre le monde et soi, la seule façon d’être au monde et d’échapper au prisme déformant de regards singuliers, fût-ce le sien propre, car on demeure inaccessible à soi-même comme aux autres, mobile, fugace, changeant, mutant, finalemen toujours inachevé, et seuls existent en fin de compte les personnages de romans, plutôt Swamm dans son éternité insaisissable m’étais-je encore dit qu’Émilienne Croustade vautrée chaque soir faussment saoule avide et gelée mais toujours en représentation au bar du Presse-Bananes, quelle misère,
et je me demandais, avais-je tenté de dire contre mon esprit toujours dérangé et emporté par ces incises à répétition qui sont bien, avais-je pourtant pu constater, le signe d’une pensée malade ou en tout cas définitivement impropre à la communication, à moins que ce ne fût un handicap propre à la langue, un obstacle surgi sur le chemin de la parole, celle-ci butant sur le vide effrayant d’une phrase close et refermée sur une pensée qui s’achève ? ou encore une sorte d’effroi et de fuite devant ce qui pourrait être dit, enfin dit, d’une façon définitive ?