On lira avec intérêt cet extrait du premier récit qu’est en train d’écrire Marc Alexandre OHO BAMBE, poète d’origine camerounaise longtemps sans papier.
Je m’appelais KUNTA.
En terre sawa, j’avais grandi coupé décalé du monde. J’y avais appris à sculpter le silence magnifique de la nuit, et à composer avec ma folie douce comme de l’hydromel.
J’avais compris que seules mes racines pouvaient me donner des ailes, pour voler mes rêves d’orfèvre, songes d’été, d’hiver, d’automne et de printemps, que je tricotais depuis un soir de plein soleil lunaire.
Je chantais dans mon arbre généalogique une logique irrationnelle complexe, mais belle comme une ex qui vous aime encore et vous pardonne, jusqu’à l’insoutenable légèreté de votre être fort mais faible.
J’étais né avec une cuillère d’argent dans la bouche. La dame en noir et la guerre, brutalement me l’avaient fait cracher.
On peut tout prendre à un homme, tout. Sauf ses souvenirs, ses rêves et son humanité ! Du moins le pensais-je…
Mais un conflit entre adultes m’avait tout pris. Tout.
Je m’appelais KUNTA, et j’étais.
J’étais un enfant soldat. Un enfant. Soldat.
Mort au combat.
Alors que j’aurais pu être, peut-être, un homme enfant, soldat d’amour, de paix, courant après ses rêves d’ère pure et d’écriture.
Oui j’ai rêvé d’écrire. Pourquoi ?
Pour moi.
Pour toi.
Pour figer mes idéaux et les graver dans le marbre-éternité.
Ecrire pour courtiser l’utopie, reine d’entre toutes les reines de beauté.
Ecrire pour jouir dans la bouche, à la face, sur le ventre doux d’un monde trop mou, écrire pour enseigner mon espérance et partager des expériences qui me subliment, écrire pour me gorger d’étoiles et d’infini, écrire ce que je crois.
Et je ne crois qu’en ce qui transperce mon cœur. Oui je ne crois qu’en ce qui transperce mon cœur. En mon verbe dieu, et en l’amour aussi qui m’a fait jouir en 3D et caresser les cieux.
Aragon vous le dira, mesdames, messieurs, les yeux d’Elsa ont fini par perdre leur regard. Mais aimer, rallume même les astres éteints par la faute de l’implacable destin.
Je m’appelais KUNTA, et j’étais né. Là-bas.
Mais j’aurais pu naître ailleurs, et avoir peut-être une vie meilleure.
(Plus) "Personne ne croit au miracle des pluies,
Aux féeries du printemps,
Encore moins aux aurores d’un lendemain clément.
Les hommes sont devenus fous ; ils ont tourné le dos au jour pour faire face à la nuit.
Les saints patrons ont été destitués. Les prophètes sont morts, et leurs fantômes ont été crucifiés sur le front des enfants…
Et pourtant c’est ici aussi, dans le mutisme des rocailles et le silence des tombes, parmi la sécheresse des sols et l’aridité des cœurs, qu’est née notre histoire comme éclot le nénuphar sur les eaux croupissantes du marais."
C’est notre histoire à Nous.