[Texte] Mathieu Brosseau, Si on met une fleur sur le cercueil...

[Texte] Mathieu Brosseau, Si on met une fleur sur le cercueil…

juin 7, 2014
in Category: créations, UNE
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[Texte] Mathieu Brosseau, Si on met une fleur sur le cercueil…

C’est avec plaisir que nous retrouvons la voix sans pareille de Mathieu Brosseau : drôle de machin, drôle de machine ici…

 

SI ON MET UNE FLEUR SUR LE CERCUEIL, CE N’EST PAS POUR COUVRIR L’HORREUR MAIS PLUTÔT POUR COUVRIR LE SENS DE L’ENTRETEMPS QUI NE PEUT AVOIR DE FIN ATTENDUE.

 

L’attente, bien sûr l’entente, c’est-à-dire pas de heurt dans le discours, des oiseaux dans les bouches qui parlent aux bouches, si ça couine, si ça claque sec, c’est pas du tout cuit, si ça crie longtemps, c’est du chant, c’est bon, l’eau roule ou coule, comme on veut, on comprendra. Si pas tout à fait, les sens rejoindront toujours toutes les directions de la boule. Qui se suffit à elle-même jusqu’à (?). Tu verras si tu tombes dans les pommes, si tu ne t’en souviens pas, inquiète-toi.

Dans la tête-boule, pas tout à fait ronde, l’homme pas tout à fait, l’attente, surtout vite pour pas d’ouverture, vite, le décor flou, les œillères servent à cela, vite, vite, pas d’ennui mais de l’étonnement, juste un filet maigre et rapide de salive, jeté d’entre les lèvres de l’agonisant, celui dont ce souvenir ému revient : il a côtoyé son mort quand il était très jeune.

 

Il y a un mort qu’on possède, comme pensent les enfants, à peu près.

 

Surtout vite, dénivelé de caniveau, pas haut, la jambe prise ou brisée dedans, les rotules et les pommes articulent, la langue coupée, j’ai un trou dans ma tête pas ronde, je ne sais plus ce que je voulais dire, attendez, l’adresse me forge, je vois de travers avec cette tête pas ronde, un œil à droite, un œil à gauche, que font-ils là, ces yeux collés ? Comme collés, les membres ont ce quelque chose d’insupportablement artificiel, comme collés, pas étonnant qu’il y ait machin, machine. Pour faire comme, c’est-à-dire tout rond à la perfection.

 

Le sanglier moulé dans le moteur, et rien ne sert de croire à l’arrêt du cœur, la colère de l’impatience, il a manqué son rendez-vous, il doit continuer à attendre, il fait bien chaud, l’attente est forcément ce qui crame quelques nerfs de conscience, continuer à attendre. C’est ce qui est cru, donc c’est nécessairement faux. Les entretemps deviennent répits, ceux-là même qu’on rejetait loin de nos rêves de nuit. Ils tremblent la conscience crue. De la fumée sort du crâne, la tête du veilleur a la tête machin, machine de l’horloge très XIXe.

 

Tu as du vernis sur les ongles, te dis-je. Et des ongles sur une peau. Fine, très fine et rouge. Un nuage arc-en-ciel gravite au dessus du puits gris. Un fantasme s’y croit, l’invention du vernis, comme pour faire reculer le moment où nous attendrons vraiment. Ce moment où nous n’y songerons plus. Il est bon, finalement de respirer, sans vernis pour suppléer. L’attente se donne parfois le visage de l’émotion. Alors que l’entretemps n’a qu’un seul visage. Musique métronome !

 

Entre chaque temps, quand tout est bon pour attendre bel et bien, l’heure ou pas l’heure, entre chaque aiguille, la question arrive parfois. Quand c’est la grande qu’on attend, au fil avançant du boucher, l’instant ou le lieu (c’est pareil, vous le savez) peut apparaître, la coupée est franche et entraîne le moment suivant (les images sont des bulles), mais entre les temps c’est nerfs-crispés-sur-absence qu’on pose vite vite travestie, vite vite, couvrez ce sein que je ne saurais voir. Seule l’absence est cruelle pour ceux qui. On, c’est irresponsable.

 

Sur une durée, n’importe !, pourvu que la porte soit fermée, la chose est close, dans le livre (début, fin et pensée de l’ensemble), par dessus rien à dire. Pourtant demeure la communauté des morts… Immense communauté des morts, ces catalogues sans nom de livres sans attention. Ce n’est pas la mort qui prend mais eux, ces inventaires ! Aura vécu 46 ans, 5 mois, 12 jours, 4 heures, 7 minutes, 59 secondes. Entretemps non calculés par le machin, machine, géant des vivants affairés. Seuls les éléphants savent mourir, en rond et respectueux des on.

 

Va dans la mousse à côté, juste à côté de la boîte. C’est presque une boîte à musique mais n’y va pas, l’herbe est douce ici et entre les temps, ce coussin de temps déclos, pas né, si serein. Si parfaits, ils n’auront pas à mourir. Ne va pas dans la grande boîte machin, machine. La collection des affaires classées, attentes terminées, circulez selon le mouvement autorisé, consultez, réalisez l’Histoire ! Allez, va, cours dans l’herbe, oui, va dans la mousse, pieds nus, pense à voir ! Pour mieux s’endormir sur les histoires qui ne commencent pas. Sans récit, tout passera vite, animal. La question remonte des entretemps refoulés. Ça purule. Te raconte pas d’histoire, tout ira très vite dans l’interdit vécu. Les vies non classées sont nécessairement fertiles. Et font des bulles de savon.

 

Le rythme hallucinatoire des humeurs, il nous faudrait une philosophie des humeurs ; philosophes, qu’attendez-vous ?!, rythme haletant des variations, c’est puissamment jouissif, le relief est jouissif, l’effort dans la côte fait monter le sang dans la tête-boule érectile, la course en montagne est jouissive, les nerfs (couvercles des absences, vous l’aurez compris) sont mis à l’épreuve par la douleur, on préfère la douleur à l’indiscutable crudité des entretemps, il ne s’agit pourtant que d’être seul ! Qui préfère sortir ? Couvrez-moi ce sein, je préfère l’aimer seul et aveuglé, plein d’arrêts dans la tête ovale. La stratégie du désir est ma seule maîtrise. Je mourrai maître de mon fuseau horaire, j’exècre les pays cannibales, se gargarise-t-il (morale comme territoire).

 

L’attente du final, bouquet nocturne, ça éclate, artificiel moment collectif pour les retrouvailles des vivants dont la communauté pile de la poussière d’os déjà poussière (il faut bien une architecture au corps) à saupoudrer sur le sang, même vieux, des morts déjà morts, n’a pas d’âge ; le meurtre, la faute, toujours la poussière sur la main crasseuse, la main communautaire, l’allumette enflamme ce bouquet d’artifice et l’artisan dira que ses objets rassurent ses morts. Les siens propres ! Tous casés entre les temps que l’attente nappe.

 

LA COMMUNAUTÉ N’EST PAS PRÊTE À PORTER LES AIGUILLES DE SES MORTS CAR ELLE NE SAIT CE QUI SE NICHE ENTRE LES AIGUILLES DE CHACUN DE SES VIVANTS. LA COMPLÉTUDE N’EST PAS POUR DEMAIN, FAUDRA QUAND MÊME L’INVOQUER, AU MOINS POUR NOTRE TÊTE, PLUS OU MOINS RONDE, COMME PENSENT LES ENFANTS À PEU PRÈS IRRESPONSABLES.

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rédaction

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