À déclamer partout… cet extraordinaire agencement répétitif – libre & critique… En cet avant-fête de dindes, faites vôtre cette Libr-@ction… [Lire Libr-@ction 13]
dans une pièce sans fenêtre
des mecs enfermés attendent des pièces
ce n’est pas une pièce sans fenêtre c’est la rue
mais le décor dans leur tête c’est sans fenêtre
parce que de toutes façons ils ne peuvent pas tirer le rideau pas de décor pas de jeu pas de pièce de théâtre
le théâtre n’est pas jeu n’est pas virtuel ou alors ils sont bons acteurs ces mecs leurs yeux ne sont plus des fenêtres
des yeux qui ne regardent pas par la fenêtre
des yeux fermés comme leur poing sur la petite pièce mais
fermé le poing n’accueille pas la petite pièce ils se renferment alors un peu les poings au fond des poches
vides parce que trouées le
vide remplit alors ils attendent les yeux dans le
vide qu’une bonne mère de famille passe mais aujourd’hui il n’y aura pas l’enchantement de la maman qui aime tout le monde
il n’y aura que désabusé et compagnie tristes sires la cravate au vent qui passent rapidement presque
ils marchent presque
ils sont presque
tout est presque
ils foulent le macadam mais le macadam bouge le macadam remue mais le macadam n’est pas macadam c’est un macchabée non une sorte de fusion entre l’être et le bitume
pas encore il faut pour que le macadam devienne macchabée la douce alchimie politique de l’hiver
pas l’hiver le temps le froid la bise la météo les feuilles l’humide non l’hiver des cabinets feutrés des chauds bureaux
il fait bon être dans ces cabinets les costumés pensent à leur panse mais un peu aussi à celle des mecs qui sont dehors qui se macadamisent
ceux qui n’ont plus de fenêtre dans leur tête pour s’évader et pour eux il n’y a guère que la fenêtre ouverte sur la pils
et donc ces braves gens heureux se soulèvent de leur siège pour se resservir un café avant de négocier avant de parlementer
parce que parlementaire ça parlemente avant de faire un bras de fer parce qu’il y a des enjeux et que les enjeux ça n’attend pas
et là les petites pièces elles tombent plus vite que les feuilles en automne et là il faut absolument que le fric sorte des poches
et là les poings ne sont pas fermés les mains s’ouvrent
et là les petites pièces sont plutôt grosses
et là les mains se referment plus vite que les fenêtres qui claquent dans la tête des mecs
et là plus question de récupérer son fric de taper un coup de grole dans la sébile
et là finalement le poing refermé demande encore du fric parce qu’il ne fait pas assez chaud dans ce bureau
parce que même s’il fait froid dehors et bah les mecs dehors ils s’en tapent qu’il fasse encore plus chaud dans les bureaux
parce que de toutes façons ces mecs laissent les fenêtres ouvertes alors pourquoi se plaindre parce qu’en plus ces mecs ils sont les machinistes les preneurs de son et les cadreurs de cette pièce audiovisuelle qu’ils ne savent même pas qu’ils jouent
parce qu’en fait on les baise ces mecs et ces mecs se faire baiser ça leur est finalement bien égal tout dépend de qui les baise et pour quel service après tout
parce que les poches vides les poings fermés les fenêtres qui claquent les vitres qui volent en éclat tout ça c’est de la littérature et on sait bien que la littérature ne nourrit pas ces mecs
ASSEZ ! je vais gueuler sinon ! je vais me mettre entre parenthèses (plantons-le ce putain de décor ! alors voilà ! c’est simple on prend des parvenus des vulgaires des irrespectueux des avides de pouvoir des poufiasses en blond des camés au pouvoir des abrutis du social ! on mélange mes amis on mélange ! et on concasse et on filtre ! et malheureusement il n’y a que de la bouillie d’anus qui en sort ! de la merde ! bref l’enchantement poétique c’est pas pour demain ! et on négochie on négochie on chie des convenchions ! à la pelle à merde qu’on en sort ! et tout ça se déroule dans une pièce pleine de fenêtres ! alors là pour le coup des fenêtres ! on voit on se voit on s’entrevoit on se revoit on fait plus que s’apercevoir ! on revient vers et on repart dans ! des poings aussi ! sur la gueule que les mecs pourraient les voir mais c’est sur la table qu’ils reposent ! en paix ! en paix bien fermés sur la petite pièce ici la pièce c’est du chèque en barre c’est pas du sang provision ! ici dans cette pièce à fenêtre les provisions avec le chèque on peut en faire pendant dix ans ! mais ce fric c’est pas du tout pour ça ! pour aider les qui ! les macadamisés les vieux les pauvres les pauvres vieux ! avec leur gueule de faux Christ abusés ! là maintenant juste maintenant il faut cesser les mots ! tous les mots ! les mots qui se disent dans les bureaux ! et ceux qui ne se disent surtout pas sur le macadam ! les mots ne sont plus nécessaires ! maintenant ! juste maintenant ! ils doivent disparaître progressivement ! les mots ! plus de mots pour dire ! de mots pour dire de mots pour dire ! les mots sont pourris ! les mots sont hâves ! les mots sont mal rasés ! les mots puent des pieds ! les mots sentent le picrate de derrière les fagots ! les mots princes de la mendicité ! les mots sont gelés ! les mots survivent sous les couvertures ! les mots c’est la queue à la soupe populaire ! les mots sont assuétude ! les mots tox ! les mots sans-papiers ! les mots mange-merde ! les mots parlent polak ! les mots sont des bougnoules et des niaks ! les mots squattent la langue ! les mots ont des projets ! les mots ironisent les situations ! les mots ne demandent plus rien ! les mots veulent tout ! les mots sont tout ce que ne sont pas ces mecs ! les mots les font disparaître dans des définitions des classements des recensements ! les mots sont enfumés ! les mots sont quotidiens ! les mots emmerdent tout le monde ! mot à mot les mots n’ont plus de sens alors voilà)
et maintenant que je sors de la gare et que je piétine sur le macad’homme, je me rends compte que je me fonds moi-même dans le bitume. je ne m’en fais pas, il fait froid mais je suis couvert. je ne crains rien à ce moment. j’observe, comme à mon habitude, les conditions de vie des mecs. je pourrais faire partie de ce groupe de mecs, puisque les mots peuvent le dire, alors je peux le faire. tu peux le faire, espèce d’esclave. au moment où je suis prêt de m’effondrer, une main me rattrape. cette même main a un bras et au bout du bras un mec. le mec me tient par la main. c’est bien la main d’un mec, d’un mec qui s’est macadamisé, d’un mec solide tout de même je sens sa poigne ferme presque douloureuse dans mon avant-bras. le mec a une voix, la voix me dit de me barrer de là, que je n’ai rien à foutre ici. pour une fois, je le prends au mot. si c’est un mec qui le dit, il faut le croire, il y a des moments où les mots vous sortent de la merde, vous ramènent chez vous. je sors de mes songes et je repars vers la gare. il y a belle lurette que je ne me rends plus compte de l’espace qui me sépare du macadam. cette fois encore je suis tiré d’affaire. par un mec. l’un d’eux.