Par l’auteur du Cantique de la paranoïa, les cantiques de la bienséance 6 et 8 : avec son ironique agencement répétitif, cette série s’avère tout aussi décapante. [Lire la précédente livraison]
Critique de la bienséance #6
Ne cirez pas vos chaussures d’autres s’en chargeront marchez toujours comme si votre vie en dépendait étudiez autant des secrets de votre voisinage que vos rideaux vous le permettent effacez-vous aux portes pour mieux asseoir votre présence renvoyez ce plat en cuisine avec un sourire bonhomme canalisez votre rage comme si c’était le dernier des torrents cette couleur ne se marie pas bien avec vos yeux surtout fermés faites votre examen de conscience pour mieux l’oublier le lendemain ne hurlez pas lorsque votre terreur devient plus haute que cet immeuble fleurissez les tombes vous serez dessous si vite ce verre est destiné à l’eau votre ivresse doit rester un refuge secret articulez clairement modestement ces insultes magnifiques.
Critique de la bienséance #8
Laissez votre siège au cul de jatte cela lui fera une belle jambe ne touchez rien que vous ne puissiez désinfecter au préalable étouffez votre surprise lorsque des mains baladeuses se promèneront (on ne crée pas de scandale en public) ne lisez pas par-dessus l’épaule de votre voisin sauf si c’est vraiment personnel respectez les priorités en particulier les vôtres ne mangez pas ne buvez pas ne riez pas ne pensez pas trop fort considérez que les mauvaises odeurs sont une pénitence que vous saurez supporter indiquez aux aveugles le chemin le plus court une pièce glissée au pompiste peut l’amener à être plus attentif à votre auto ayez toujours une oreille compatissante pour ces vieilles dames tellement inintéressantes votre tour viendra admirez le paysage vous saurez de quoi parler à votre arrivée où que vous rendiez et même si c’est en enfer faites toujours comme si cela était le paradis sur terre — vous finirez bien par vous en convaincre.