[Texte] Stéphane KORVIN,

[Texte] Stéphane KORVIN, « Elle éloignée »

octobre 5, 2009
in Category: créations, UNE
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Stéphane Korvin est né en 1981. Il vit et travaille à Paris. Avec le geste photographique, il saisit les intersections entre espaces réels et imaginaires. Il a travaillé notamment sur des textes d’Aimé Césaire et de Marguerite Duras. Avec les mots il approche, questionne le contour et le lien. Ses travaux sont publiés dans des revues (A verse, ARPA, Pyro, N4728, etc.).

Voici le troisième extrait de vaste, wasted (lire le second), qui retravaille avec brio un thème lyrique – avec cette fois, comme souvent, un contraste saisissant entre texte et photo.

Moins ses doigts moins ses mains

attendre, mélanger les vins dans la musique, les musiques
dans les mains

tournent dans l’alcool ; fleurs prises de sauvagerie
la bouche arrondit le goulot, s’écrase dans l’herbe, tourne
en rond, pèse la nuit dans la paupière
(rouge avec opercule à détacher)

attendre qu’elle passe devant moi, assiste devant moi à
rien de précis

à moi devant elle à l’attendre, moins ses doigts, moins ses
mains sur mon visage, pas dur, pas cassé, mon visage
mou
de vie molle qui s’échappe

je ne suis pas là et elle n’est pas autour

musique qui se vide dans les vins qui se vident dans la
bouche et puis les corps qui disparaissent c’est aussi bien
d’attendre dans la nuit qui ne renonce pas à continuer

à appeler seule sous la musique (avec pathologie dans le
ciment

les yeux ont du mal à tenir debout, elle aussi
n’est pas autour, l’été se vide, rien ne se répare, rien de
vivant ne se répare, la musique se dissout dans les vins
qui détonnent dans la tête

les yeux nagent au-dessus

ne voient rien, les yeux voient la nuit calme avec des
points bruyants, des points à relier pour former un visage
même tous les points à relier forment ses visages à elle

elle de dos, elle sur moi, son sourire dans ma bouche, elle
et ses formes qui m’enlacent

la nuit vide, elle tout autour, calme, ne regarde rien, toute
la musique est dans le vin accroché à mon corps
sue

mon corps nu assis vers des points bruissant de lumière
et tout de travers

attendre dans la nuit assénée de musique et de vin
rien autour, elle circule, enroule les points, se couche à
côté des ombres, dos à la nuit, dos à la lumière

se lever lourd pesant plein de musique
endormi, se lever, en découdre avec la vacance, une voix
traînante accroche, les jambes floues se lèvent

se plissent dans l’herbe, elle tout autour
n’est pas là

les points se resserrent, mes mains à l’ombre dans l’herbe
moins son visage moins ses cheveux

et rien éclate dans l’été, la nuit tient, elle éloignée
une place vide et la nuit cognent à côté de moi

je ne suis pas obligé d’oublier, de temps en temps je ne
suis pas obligé, l’été dans la nuit, rien ne bouge, elle se
tient éloignée, toute l’absence est pour moi

ne pas finir recommencer

tenir le mouvement
et l’incertain.

,
rédaction

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