Back yard, photographies de Guy Raivitz et nouvelle de Shimon Adaf, Biro éditeur, collection "KB", 2009, 48 pages, 32 illustrations en couleur, 16,5 x 19,5 cm, 15 €, ISBN : 978-2-35119-058-6.
On se laissera perdre dans le jeu de miroirs que nous offre ce diptyque israélien de l’entre-deux…
Présentation de l’éditeur
Ce huitième volume de la collection KB réunit les photographies de Guy Raivitz et une nouvelle de l’écrivain Shimon Adaf, tous deux appartiennent à la jeune génération de créateurs israéliens.
La nouvelle inédite de Shimon Adaf oscille entre un quotidien banal et gris et un monde intérieur, un "ailleurs" fantasmé lourd, inquiétant, halluciné. Elle correspond parfaitement aux photos de Guy Raivitz, de la même génération, qui voit son pays et ses habitants avec les mêmes yeux. Un monde familier et en même temps inconnu.
Note de lecture
Il est certains textes auxquels on tient et dont on se souvient toujours pour un passage, une phrase ou une expression qui nous a marqués. C’est le cas de cette nouvelle d’un auteur israélien de 37 ans présenté comme prometteur dès la fin du siècle dernier : " Un an plus tard, son père partira et ne reviendra plus, part et ne revient plus, partit et ne revint plus, et le temps, le temps, il a déjà trente-cinq ans et la nuit, il lui suffit d’ouvrir un livre pour que ses paupières lourdes se ferment […] " (incipit). Ces lignes creusent un abîme de temps et d’espace…
La "tension interne" qu’exhibe le titre est celle-là même qui s’établit entre fils et père, enfance et âge adulte, présent et passé, réalité et imagination, récit premier et récit enchâssé… La "tension interne" est celle-là même qui empêche le narrateur d’adhérer à lui-même, le condamnant au perpétuel décalage de celui-qui-n’est-pas-au-monde : "Enfant, se dit-il, il était trop intelligent pour un enfant, et maintenant il est trop intelligent pour n’être qu’un adulte."
Ce récit du/de va-et-vient, sera en mesure de le goûter tout lecteur "attiré par ces heures-là, obscures, quand on ouvre les yeux et que la nuit, embaumée, ne s’est pas encore dissipée."
Preuve que les photographies de Guy Raivitz ne se réduisent nullement à une fonction illustrative, elles donnent le titre à l’ensemble : "Après des années de voyage, Guy Raivitz a orienté l’objectif de son appareil derrière lui, autrement dit : Back yard." Voici la façon dont il présente son projet : « Ce projet est un journal de bord, une tentative pour comprendre la réalité d’Israël, la relation entre individus et société, notre sentiment d’appartenance et la quête d’identité : ce sont mes compatriotes, c’est mon histoire ».
Cela dit, une certaine "tension interne" anime également cette oeuvre, entre Eros et Thanatos, jour et nuit, dedans et dehors, beau et laid, naturel et artificiel, quotidien et fête, ordinaire et insolite, tradition et modernisme…
Construction des objets photographiques, cadrages, lumières… tout y est parfait.